Critique : Et Dieu créa le couple

Marjolaine Gout | 14 décembre 2008
Marjolaine Gout | 14 décembre 2008

Après avoir pulvérisé le record d'exploitation d'un film en salles avec Dilwale Dulhania Le Jayenge et remis sur le marché du travail Amitabh Bachchan avec le succès de Mohabbatein, Aditya Chopra, depuis producteur, retourne après huit ans d'absence derrière la caméra avec panache. Rab Ne Bana Di Jodi, entre réalisme et magie, est une fable vivifiante dans le panorama du cinéma. Aditya se réinvente en nous offrant une œuvre touchante et éclatante de simplicité mais aussi redoutable par sa comédie, ses chorégraphies et par l'interprétation de Shah Rukh Khan...méconnaissable ! 

Il y a à Amritsar la magnifique, Surinder (Shah Rukh Khan), un indien ordinaire (intégrant toutes options : moustache, lunettes, costume et basket). Très réservé et peu expressif, il ne poursuit qu'un but : être l'objet de désir de son épouse. Malheureusement uni par la tragédie, l'amour n'est point réciproque et Surinder doit créer un avatar aux antipodes de sa personne en la figure de Raj. Ainsi, c'est dans le centre spirituel sikh, avec son lumineux temple d'or, que cette histoire de quête d'un amour divin nous est contée. 

Ce film, aux allures intimistes et à la fois de fresque majestueuse, décrivant le quotidien, repose sur trois personnages dont la performance de Shah Rukh Khan. Transcendé, il incarne un homme commun, décrit avec finesse dans les excès : à la fois discret ou désinhibé. Son personnage prend possession de l'acteur, au point où on lui découvre des expressions nouvelles et un langage corporel inédit. Un plan séquence mémorable de Shah Rukh, grimé en Raj, se morigénant par le biais d'un mannequin portant ses vêtements usuels est l'illustration de la magnificence de son jeu. Il crée ainsi un héros touchant et antinomique à mille lieux du fade Clark Kent. La magie du King Khan opère. Il embaume ainsi le film de son aura.

La comédie est ici infaillible par son inventivité constante. La scène de Surinder et de son « tiffin » jaune (panier-repas), préparé par son épouse et représentant à ses yeux l'amour de sa femme a un impact fatal sur Surinder et hilirant pour nous spectateur. Cette simple attention affectueuse a pour résultat de provoquer l'émoi de Surinder souligné par la déclinaison de l'usage de la couleur jaune à toutes les sauces. De même, la musique s'insinue dans chaque pore du film et participe à accentuer le comique. Surinder et son dilemme de la rose, Surinder face à son biryani, la poursuite à moto façon western avec des « dégainages » de sac à main accompagnée par l'air de « Dhoom machale »...autant de scènes cocasses et réussies où la musique de fond vient épicer la comédie.

L'autre attrait de ce masala, ancré au Punjab, faisant fi des montagnes suisses et mêlant les genres avec acuité reste une mise en abyme constante où apparaît un florilège de références au cinéma indien. Ainsi, si la musique rythme le film, joue un rôle de vecteur comique et poétique, elle participe à l'instar des décors, costumes, dialogues... à la création de multiples clins d'œil filmiques. La séquence musicale de « Hum Hain Raahi Pyaare Ke, Phir Milenge, Chalte Chalte » en est un vibrant exemple. Un hommage grandiose au cinéma indien y est déployé avec une introduction à la Vincente Minnelli. Shah Rukh Khan interprète tour à tour des acteurs légendaires des années 50 à 80 avec pour chacun des clins d'œil à certains de leurs films : Raj kapoor (Shree 420), Dev Anand (Tere ghar ke samne), Shammi Kapoor (Teesri manzil , Junglee), Rajesh Khanna (Aradhana , Aap ki kasam , Amar Prem) et Rishi Kapoor (Hum kisise kum naheen).Et cerise sur le gâteau, cinq actrices accompagnent Shah Rukh : Kajol, Bipasha Basu, Lara Dutta, Preity Zinta et Rani Mukherjee. Autant dire que le Om Shanti Om de Farah Khan a marqué le cinéma indien et a créé par le pastiche une figure de style cinématographique.

Si la deuxième partie du film subit une baisse de régime et que quelques faiblesses sont visibles RNBDJ reste un divertissement jouissif. Tout néophyte à la cinéphilie indienne pourra se délecter de ce long-métrage à l'humanité débordante, à l'humour dévastateur et à la poésie contagieuse. Une production Yash Raj à découvrir ou à revoir pour le travail admirable de la chorégraphe Vaibhavi Merchant, la créativité de son réalisateur, des dialogues mémorables : « Je suis amoureux mais elle ne m'aime pas » « Deux gifles et elle t'aimera » et surtout pour la virtuosité de Shah Rukh Khan !

 

 

Pour les novices en culture indienne petit glossaire pour une meilleure compréhension du film et de ses références :

En habit d'apparat un couple tourne autour d'un feu sacré : rituel de mariage
Poudre rouge sur le front (sindoor) : le sindoor indique le statut de femme mariée.
Raj : Héros attitré des films d'Aditya Chopra, interprété par Shah Rukh Khan.
Kabhi alvida naa kehna (Ne dis jamais au revoir) : Film avec Shah Rukh Khan.           
Hum Hain Raahi Pyaare Ke, Phir Milenge, Chalte Chalte (Nous sommes des voyageurs sur le chemin de l'amour, le temps passera et nous nous retrouverons) : Leitmotiv du  personnage de Raj et titre d'une chanson du film rendant hommage au cinéma indien. Ce titre fait de même référence à trois acteurs phares du cinéma hindi, les trois Khan, par le biais de titres de film dans lesquels ils ont joué : Aamir Khan (Hum Hain Raahi Pyaare Ke) , Salman Khan (Phir Milenge) et enfin Shah Rukh Khan (Chalte Chalte).
Le geste d'une main fermée avec l'auriculaire soulevé : signe traduisant une envie d'aller aux toilettes.
Dhoom : Film d'action et blockbuster indien.
Rakhi : Fil que les sœurs nouent sur le poignet de leur frère à la célébration de Raksha Bandha. Le rakhi peut-être aussi noué pour des occasions spéciales et n'est pas uniquement réservé à la fratrie.

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