Critique : All I desire

Nicolas Thys | 10 novembre 2008
Nicolas Thys | 10 novembre 2008

Barbara Stanwyck, merveilleuse actrice d'une grâce incomparable, a tourné à deux reprises chez Douglas Sirk, dans deux mélodrames, à chaque fois sur le tard puisqu'elle avait déjà bien dépassé la quarantaine ce qui, pour les actrices hollywoodiennes, est généralement un cap fatal. Pourtant à chaque fois elle ne fait pas son âge et resplendit. La première fois dans All I Desire en 1951 et la seconde dans Demain est un autre jour cinq ans plus tard. Et, dans ces deux films, même si les conditions ne sont pas les mêmes, sa beauté parasite le déroulement normal de la vie des protagonistes.

 

Dans Demain est un autre jour, magnifique film, elle ravive des souvenirs perdus dans l'esprit de Fred McMurray, son ancien patron dont elle était amoureuse et qu'elle a fui 20 ans plus tôt. Ici son âge est au cœur de chaque discussion et marque sa différence par rapport à ceux qui l'entoure. Personnage extrêmement moderne elle a choisi de mettre en avant sa carrière avant sa vie personnelle. Le film entier est un rappel nostalgique à un passé révolu et à un retour en arrière impossible, depuis le métier de McMurray, perdu entre sa vie d'adulte insipide et routinière et l'enfance puisqu'il fabrique des jouets, jusqu'aux lieux qui sont à chaque fois des réminiscences d'une histoire qui n'a jamais eu de conclusion définitive.

 

L'entrée de Stanwyck, marquée par des éclairages très marqués de Russell Metty, fait d'ailleurs l'effet d'un virus. Au moment où elle entre, presque par hasard, dans la vie son amour perdu et dans sa demeure, elle participe à la déconstruction de la famille américaine et hollywoodienne typique de l'époque, quasi mécanique, où chaque crise ou doute est enfoui derrière un masque où le sourire est de rigueur. McMurray, en se rappelant de tout, fait ressurgir toute la morbidité d'un quotidien où seule la surface parait saine. Mais le passé reste le passé...

 

De même dans All I desire, moins réussi que le précédent mais tout aussi intéressant, son retour, moins impromptu, va chambouler toute la mécanique quotidienne d'une famille artificiellement heureuse mais aux failles béantes, leur rappelant un passé cruel dont ils cherchent à faire un deuil qui se révèlera impossible. Stanwyck, interprète ici une mère de famille qui a abandonné mari et enfants pour devenir actrice et revient, une douzaine d'années plus tard, suite à une lettre de sa fille, dans le petit bourg qu'elle avait quitté. En apparence là aussi rien n'a changé : le décor est le même, les personnages ont vieilli. Mais en creusant un peu ce sont toutes les frustrations d'une famille meurtrie qui vont jaillir et éclater au grand jour.

 

Dotés d'une mise en scène sensible et fine, ces deux drames familiaux, qui font la part belle aux effets de miroir, aux surcadrages, resteront les deux derniers grands rôles d'une actrice qui a su se renouveler.

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