Critique : Raphaël ou le débauché

Nicolas Thys | 5 novembre 2008
Nicolas Thys | 5 novembre 2008

Même si la dimension sexuelle est très présente le cinéma de Michel Deville n'est pas libertin. Pourtant la nudité, l'amour, les fantasmes et le désir y sont partout disséminés mais à chaque fois entre pudeur et voyeurisme et jamais ou rarement de manière directe. Quatre films, Raphaël ou le débauché, La Femme en bleu, Nuit d'été en ville et La Lectrice, font l'expérience de cette entrée dans un univers teinté d'érotisme.

 

Chez Deville le sexe et l'amour relèvent du fantasme. La Lectrice n'est finalement que le fantasme de Miou-Miou. Un film dans le film où l'actrice lit à son compagnon un roman intitulé La Lectrice et se représente comme le personnage principal de ce roman qui passe son temps à faire la lecture et à faire fantasmer un adolescent handicapé à coup de sous-entendus évident (La Toison d'or !), à faire l'amour et la lecture à un chef d'entreprise célibataire, à lire du Sade à de vieux pervers et à rêver d'une femme qui se prostitue pour rendre son ami jaloux. Tout est artificiel, et c'est la force du film, trop artificiel pour être autre chose qu'une réalisation indirecte de désirs enfouis et inassouvis des décors, trop verts, trop blancs, trop épurés ou trop étranges, aux cadrages trop francs et trop statiques.

 

Idem pour La Femme en bleu où le rêve d'une femme en bleu et sa poursuite dans tout Paris ne sont qu'un prétexte à une autre histoire d'amour. L'a-t-il réellement rencontré cette femme ? Nul ne saurait le dire mais elle va perturber Michel Piccoli qui ne cessera de la revoir en flash sous toutes ses coutures, niant toute réalité sexuelle en vue d'un amour acharné au-delà de cette simple dimension physique. Mais plus il refuse cette rencontre vers la chair, plus celle-ci lui échappe. Reniant le sexe et le plein assouvissement de son désir, il la renie elle-même, s'échappant d'un haut lieu de l'échangisme et fuyant une femme dénudée dans une baignoire. Le côté fantasmagorique s'exprimant pleinement dans ce film où souvent au second plan figure une action si décalée qu'on se demande si elle est réelle tel cet accident de poussettes verbalisé par un agent.

 

Nuit d'été en ville reste le film le plus sensuel de Deville, le plus érotique mais également le plus pudique puisqu'il ne raconte finalement que l'histoire de deux individus qui se rhabillent. Au départ, relation d'un soir, leur rencontre s'attarde, s'approfondit et plus elle devient intime, parlée tout en restant charnelle, plus ils se recouvrent. Des dialogues fins, des cadrages précis et une chaleur intense rendent parfaitement compte des petites subtilités qui mènent ce couple d'une nuit à construire quelque chose. Une pudeur s'installe dans ce huis-clos à mesure que s'installe une complicité entre deux êtres qui se cherchent et se trouvent.

 

Enfin, Raphaël, faux débauché en quête d'amour. Libertin qui cache une âme brisée et, ne parvenant à trouver le salut, connaitra une fin dramatique au possible. L'amour relègue ici le sexe au second plan mais lui-même n'est qu'un inaccessible car tout ici est trop direct, trop franc et trop froid. Raphael pense que chaque femme est une proie facile et qu'aucune ne lui résistera mais ce sont justement ce manque de voyeurisme, cet étalage brut du plaisir et cette absence d'intermédiaire entre le monde et son désir qui le perdront. Aucune sensualité, aucun fantasme, aucun secret et donc aucune relation possible.

 

Le corps et son état naturel est au centre des préoccupations de Deville. Mais comme on le voit, il se doit d'être imaginé sinon imagé. Sa nudité doit être rêvée et assumée comme telle, jamais directe ou crue à moins de se perdre dans une folie mortelle ou une tendre pudeur.

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