La Belle personne : Critique

Jonatan Fischer | 15 septembre 2008
Jonatan Fischer | 15 septembre 2008

En seulement quatre films (17 fois Cécile Cassard, Ma Mère et surtout Dans Paris et Les Chansons d’amour), Christophe Honoré est devenu un des cinéastes majeurs de notre cinéma. De ce fait, chacune de ses œuvres provoquent enthousiasme ou rejet immédiat. La Belle personne, à l’origine téléfilm commandé par Arte, ne devrait pas déroger à la règle. Lecture contemporaine de La Princesse de Clèves, ce nouvel opus surprend par son parti pris de transposer les intrigues de la cour royale du livre à une cour de lycée du 16e arrondissement dans le film.

Complètement libre par rapport au récit originel, Christophe Honoré nous livre une adaptation intelligente et universelle du classique de Madame de Lafayette en en faisant un long-métrage sur le spleen adolescent. Pour l’occasion, il s’entoure de sa bande de comédiens habituels (Louis Garrel et Grégoire Le Prince Ringuet mais aussi dans un rôle secondaire Clothilde Hesme et un caméo de Chiara Mastroianni) et révèle une actrice aussi magnétique qu’étourdissante de talent : Léa Seydoux.

 

 

Dans un Paris gris et bourgeois, évoluent donc les pendants contemporains de la Princesse et du Prince de Clèves et du Prince de Nemours (ici appelés Juni, Otto et Nemours). Premier coup de foudre, amour à sens unique, refoulé, rêvé ou secret : ce qui préoccupe le cinéaste semble être avant tout la fragilité des premiers émois adolescents et leur fulgurante intensité. Des sentiments magnifiés par une réalisation élégante, composée de nombreux gros plans, fluide et non sans rappeler un certain cinéma adolescent des années 80. Mais ce qu’il faut surtout retenir de ce film d’auteur à part entière, c’est son côté extrêmement ludique et le thème du passage. Dans La Princesse de Clèves, la vertueuse (et légèrement hypocrite) héroïne était assaillie de récits d’amours tragiques que lui comptaient des gens de la cour. Dans le film, ces histoires donnent lieu à des parenthèses sur des amourettes adolescentes qui tournent mal et qui disposent chacune d’un dispositif aussi intelligent que captivant.

 

 

La fameuse lettre égarée devient ainsi le moyen d’explorer une liaison homosexuelle cachée (avec chute à la Gossip Girl), les ébats de Nemours (devenu ici professeur d’italien) donnent lieu à une relation prof-élève douloureuse, le personnage de Clothilde Hesme devient l’objet de furtifs fantasmes et rumeurs (rendus façon journal filmé)…Les histoires d’ados finissent mal en général mais on se dit que « ça passera ». Ce serait oublier la force que peut prendre une passion adolescente où chaque message envoyé, chaque lettre mais aussi chaque mot ou chaque regard peuvent avoir une conséquence bouleversante.

 

Résumé

Extrêmement sensible, La Belle personne est un film sur la peur et la douleur d'aimer, beau et rare. Le genre d’œuvre dont on sort et où on se dit que « tout est là ». Ceux qui aiment le cinéma d’Honoré trouveront donc leur compte et se régaleront de ce troisième volet sur la vie parisienne où l’amour est sublimé, où les fêlures se chantent et où les références sont autant de libertés... Et ses détracteurs critiqueront encore un cinéma trop littéraire. Dommage de passer à côté de telle beauté.

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