Critique : Le Cuirassé Potemkine

Que dire d'une œuvre aussi commentée que Le Cuirassé Potemkine ? Chef d'œuvre passé depuis longtemps à la postérité, le film de Sergueï M. Eisenstein, réalisé en 1925 sous la nouvelle ère bolchévique est un appel à la révolution prolétarienne face à une autorité qui l'étouffe et s'inspire de la réelle mutinerie du cuirassé Potemkine et de la répression qui suivi dans le port d'Odessa en 1905 alors que le tsar était encore au pouvoir.

Mais, beaucoup plus que pour son message, ce film vaut pour la réflexion opérée par le cinéaste sur le montage, principe de base du langage cinématographique qu'il a également théorisé brillamment dans un nombre considérable d'articles, d'ouvrages et de conférences. Idéologiquement d'extrême gauche, le réalisateur a avoué avoir été techniquement très influencé par le visionnage des premiers longs métrages de D.W. Griffith et notamment par Naissance d'une nation sorti en 1915, film faisant l'apologie du K.K.K. mais également le premier à synthétiser et exploiter réellement les possibilités du montage. L'objectif du réalisateur russe était de poursuivre le travail de l'américain et de le pousser à son maximum pour obéir aux exigences du parti au pouvoir.

Le Cuirassé... est en somme la suite des expérimentations engagées par La Grève, premier film du réalisateur russe sorti l'année précédente. Il joue avec brio sur les émotions ressenties par le spectateur qu'il tente de canaliser et d'orienter en élaborant une construction rythmique et spatiale et géométrique complexe, parfois calculée au photogramme près.

La séquence d'anthologie du film demeure bien entendu celle, macabre et violente, de l'escalier et du landau le dévalant, maintes fois pastichée ; avec sérieux par Brian DePalma dans Les Incorruptibles ou de manière parodique par Woody Allen dans Guerre et amour, Terry Gilliam dans Brazil ou encore le trio ZAZ dans Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ? qui s'inspire ouvertement du film de DePalma.