Critique : Yvette bon Dieu !

Il pourrait y avoir comme une ironie malsaine dans le regard des citadins sur ce documentaire sur une famille de paysan de Touraine, et il y en aura sûrement, mais ce ne sera pas la faute du réalisateur Sylvestre Chatenay. Car on sent dans sa relation à la famille un profond respect et une curiosité presque enfantine, un plaisir aussi à voir gambader les chatons dans la cour et à écouter le caquètement des poules. Des plaisirs simples, sur lesquels le réalisateur ne porte qu'un regard humain, sans y ajouter, ce qui aurait tué le film, de critique sur le futur et l'avenir.

Pas de « c'était mieux avant » donc, mais la trace pour toujours de l'existence et de la vie d'Yvette, de sa mère et de ses frères, en tant qu'eux-mêmes d'abord mais aussi en tant qu'icônes paysannes. Car à tous les coins de villages perdus en campagne, on trouve un vigneron bourru ou une agricultrice burinée, qui, avec les années, en ont certainement à raconter. 

Loin des clichés paysans, on apprécie aussi la nature qui s'insinue sur l'écran, les petits chats donc, mais aussi les chiens, le potager un peu fouillis, la boue, la neige. Et, fait amusant, c'est dans ce que Sylvestre Chatenay ne cherche pas à démontrer que l'on découvre de sacrées perles. Comme de voir Yvette, 62 ans tout de même, parler de fusion de banques en trayant une vache, ou, plus grave, voir la famille gérer le deuil de la matriarche.

Avec ce genre de témoignage truculent et sensible, qu'on prend beaucoup de plaisir à voir, on voudrait croire que ce genre de personnalités sont éternelles. Mais s'il y a bien une leçon à tirer d'Yvette, bon Dieu !, plus que d'aller acheter une boîte de 6 œufs à la ferme en berline une fois par semaine pour se donner bonne conscience, c'est bien de respecter et s'approprier à leur juste valeur les enseignements pleins de bon sens de ces mémoires de notre pays.