Critique : Céline

Jamais autant que dans Céline, Jean-Claude Brisseau ne s'est attardé sur la nature. Tourné dans une grande demeure provinciale, près d'un petit village qui pourrait être située partout et nulle part. Sans heurt ni violence mais au contraire avec une étonnante douceur, une contemplation reposante magnifiée par des jeux de lumières fascinants, le cinéaste réalise là une œuvre remarquable, panthéiste à plus d'un titre où le hasard d'une rencontre va conduire deux femmes à une remise en cause totale du monde qui les entoure.

Présenté par le cinéaste comme un petit film expérimental, Céline est certainement l'un des plus beaux films mystiques jamais réalisé. S'il est expérimental ce n'est pas tant dans sa forme, plutôt classique, que dans l'expérience cinématographique qu'il propose de la foi, du monde et de la chair car, loin d'être associé au pêché comme c'est le cas dans la religion chrétienne, cette ode à la nature voit dans le corps le moyen d'atteindre un idéal. Si l'âme parvient à accéder à une rencontre directe avec un au-delà mystérieux et salvateur alors elle entraine le corps, ou au moins l'image de ce corps, avec elle. Corps infini qui dispose du don d'ubiquité, corps lumineux, corps projeté et corps dématérialisé, comme finalement tout corps vu sur un écran de cinéma.

Brisseau, sans effets artificiels mais à l'aide simplement de quelques images de désert d'une incroyable beauté, de quelques jeux de miroir ou d'apparitions toujours finement amenés et grâce à une musique magnifique de Georges Delerue (compositeur, rappelons-le, de la musique du Mépris de Godard dont on retrouve certaines tonalités mélancoliques), est parvenue à faire de ce qui n'aurait pu être qu'une histoire banale, un film d'une grande poésie et d'un onirisme enchanteur, souvent silencieux mais qui vaut tous les discours du monde.