Critique : Cul-de-sac

Nicolas Thys | 21 avril 2008
Nicolas Thys | 21 avril 2008

Thriller délirant et détonnant Cul-de-sac possède encore une fois quelques traits distinctifs des premiers films de Polanski : le peu de personnages, trois protagonistes, un mort et de rares invités, et son ancrage dans un lieu unique. Moins étroit que d'habitude, l'espace du film se limite néanmoins aux murs d'une forteresse construite sur une île du fin fond de l'Irlande et coupée la moitié du temps par les marées.

 

C'est dans cette atmosphère assez étonnante aux lumières blafardes et inhabituelles, que se joue une sorte de ménage à trois, caricatural et grotesque car quasiment enfantin, entre un bandit de basse envergure, le mâle viril par excellence, un homme faible et efféminé et une femme dont la nudité occasionnelle est davantage à rapprocher de la pureté que de la sexualité car jamais il n'en sera question, jamais il n'y aura d'équivoque.

 

Tout semble tourner autour de l'enfance et du jeu : la mort ne choque pas encore, les formes de pouvoir dérivent, les déguisements et les petites disputes sont pléthores. Le château est un labyrinthe où les uns et les autres se cherchent, se trouvent, copinent et se battent. Même leur nourriture est cocasse : entourés de poules leur réfrigérateur est rempli d'œuf et leur cave d'alcool comme si rien d'autre n'était disponible. Finalement seules les armes sont vraies.

 

Mais tous les personnages sont adultes, comme des gosses sans jouet enfermé dans un corps qui ne leur convient pas, et c'est ce qui impose une dimension absurde à cet objet filmique aussi tordu que distrayant, aussi comique que tragique où l'isolement semble avoir coupé ces quelques individus du reste du monde, les laissant à leurs actions parfois ubuesques jusqu'au moment où ils vont devoir réaliser, trop tard, la portée de leurs gestes.

 

Représentatif d'un état du monde à une époque donnée, celle du tournage en 1967, d'une certaine folie ambiante dont tout le monde se délectait, Cul-de-sac peut aujourd'hui paraître vieilli dans le sens où il est un peu trop décalé par rapport aux préoccupations actuelles, mais il reste tout de même une grande bouffée d'air frais à une époque où le cinéma s'est quelque peu rigidifié.

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