Critique : Le Lac de la femme

Réalisé la même année que Blow-up, en 1966, Le Lac de la femme met en scène le rapport à l'image complexe d'un couple adultérin dont la femme, épouse d'un homme haut placé, se fait voler des photographies compromettantes dévoilant son intimité. Cependant nul mystère à éclaircir, car l'identité du coupable est assez vite révélée et l'histoire se transforme en un faux ménage à trois. L'intérêt du film réside principalement dans les relations étranges qui se nouent entre cinéma, photographie et érotisme. Entre l'image mouvante, l'image arrêtée et un rapport à la chair qui place l'être à la frontière de la vie et la mort.

Le Lac de la femme s'interroge aussi sur les conditions de l'amour imaginaire, voire indirectement sur le rôle du spectateur face à la star, grâce au récit de ce voyeur fanatique tombé amoureux d'une photographie, de quelques courbes sur du papier glacé, d'une projection lumineuse dont il ne fait qu'inventer la vie. Mais tout se résout au cours du tournage d'une scène de viol, miroir du film lui-même que les deux acteurs, la victime et l'agresseur, pris au piège de leurs tourments respectifs, contemplent impuissants avant de céder l'un à l'autre. Au final tout n'est qu'image.

Mais si Antonioni est présent dans le film de Yoshida c'est aussi à travers L'Avventura, ses relations sentimentales et sa quête impossible pour retrouver un corps qui n'existe plus, qui semble même n'avoir jamais existé. Pour le cinéaste l'amour se joue dans les rapports qu'entretiennent les images entre elles, et dans l'impossibilité pour les protagonistes d'agir sur celles-ci puisqu'eux-mêmes ne sont que des créations lumineuses. L'image modèle, domine et soumet l'homme à ses propres désirs, ce que vient renforcer l'exceptionnelle mise en scène de Yoshida et sa puissance plastique à couper le souffle.