Critique : Young yakuza

Il en faut du courage pour se frotter avec une caméra au dur milieu des yakuzas, ces mafieux nippons au sens du devoir et de l'honneur très stricts mais aux méthode parfois très violentes. Ainsi, lorsqu'un chef de clan lui propose de filmer le quotidien de ses hommes, lui accordant même le final cut mais refusant d'y voir figurer une scène « hors de la légalité », Jean-Pierre Limosin accepte, à ses risques et périls.  Et ce témoignage hallucinant et anti-spectaculaire est bien au prix de cette audace.

Sous le prétexte de l'intronisation d'un jeune délinquant, Naoki, envoyé ici par sa mère pour le recadrer - doux paradoxe -, Jean-Pierre Limosin touche au protocole, à la frustration d'une vie ultra codifiée et bien ennuyeuse. Un ennui, qui semble parfois même toucher le réalisateur, car la lassitude transpire parfois autant de la caméra que du regard désabusé de Naoki. Mais c'est quand le chef de clan parle que la vraie richesse se dévoile. Un homme, façonné par son statut (qui arbore les tics faciaux et tenues des yakuzas qu'on voit dans les films), mais pas dénué d'intelligence (c'est tout de même lui qui est à l'origine du projet) et surtout conscient du monde et de ce qu'il devient. C'est lors d'une dernière tirade qu'il révèle presque le pourquoi de la présence voulue de la caméra : c'est la fin d'une époque.

En effet le gouvernement japonais lance loi après loi pour contrecarrer ce « contre-pouvoir », avec interdiction de se déplacer à plus de trois dans les rues ou peines de prison plus lourdes pour les yakuza quel que soit le délit. Les jeunes aussi semblent avoir perdu la flamme qui faisait la fierté d'en être, yakuza étant un métier trop contraignant et pas assez lucratif à leur goût.

Un témoignage à mi-chemin entre documentaire brut et film de cinéma (le réalisateur ayant fait usage du « clap » avant de filmer les scènes), précieux car traitant d'une époque déjà révolue, même si l'image du yakuza restera encore longtemps dans l'imaginaire collectif.