Critique : Le Libre arbitre
Le prologue du Libre arbitre revisite le mythe de Frankenstein : un colosse pulsionnel, impuissant face au mal qu'il fait, joué par un acteur au physique impressionnant ne s'exprimant que par des cris ou des râles. Son crime est celui de la chair et de sa faiblesse : dans certains cas d'énervement, il ne peut se contrôler et viole, frappe ou tue.
Dans la première partie la
violence seule est rattachée au corps, le désir et le plaisir sont les seuls
interdits. La caméra ultra mobile, toujours à l'épaule, près des visages ne
vient que conforter cette violence initiale, toujours présente malgré une
tentative de démarrer une nouvelle vie. Mais le titre fausse la donne : le
libre arbitre existe t-il ? L'unique finalité sera la prise de conscience
de son être monstrueux, anormal et incurable : même en essayant il ne
parviendra pas à lutter contre ce qu'il est. Il n'a pas sa place et ne l'aura
jamais ici bas.
Le point de vue du réalisateur tout
au long du film sera la monstration et la mise à mal de cette chair dans ce
qu'elle a de plus viscérale, immonde et répulsif : les séquences de viol,
frontales, sont insoutenables, crues, exposées dans toute leur sauvagerie et
leur horreur. Idem pour la sexualité, sujet majeur du film : aucun tabou
n'existe plus, les corps se mêlent, musculature indomptable face à une
fragilité à fleur de peau, même le plaisir solitaire perd son intimité partagée
avec le spectateur dans une scène pornographique d'une brutalité rare. Même
l'amour, passionnel, est pris dans sa dimension maladive, nuisible au corps et
à l'esprit et finalement seul l'inceste n'est qu'effleuré.
Les fluides corporels, sang,
morve, sueur, etc. habituellement cachés sont ici délibérément exposés à la
limite du supportable, c'est-à-dire ni trop pour éviter les travers du
grotesque, ni trop peu pour parvenir au niveau de répulsion souhaité. La
séquence finale est aussi le bouquet, moment ultime de dégoût où les corps ne
deviennent que pure violence et crise démentielle, où ces écoulements
intempestifs suintent à n'en plus finir dans une abomination sans nom.
Sans nier son évidente maîtrise
du sujet le Libre arbitre se perd malheureusement dans son côté
hyperréaliste (et non documentaire) en se jetant bien au-delà des limites de ce
que le regard peut supporter. Il n'est plus alors qu'une expérience visuelle à
tenter, ou non.
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