Critique : Bungalow pour femmes

Nicolas Thys | 28 janvier 2008
Nicolas Thys | 28 janvier 2008

Réalisé en 1956, Bungalow pour femmes est assez inattendu étant donné l'état du cinéma américain de l'époque. Le personnage incarné par Jane Russell, à l'opposé des rôles qu'elle avait pu tenir jusque là, se révèle particulièrement moderne et sérieux. Loin de l'image de bimbo décérébrée qu'elle véhicule, elle s'affirme comme l'égale de l'homme, financièrement et sexuellement. A ses côtés, on retrouve Richard Egan, le mâle viril dans toute sa splendeur mais qui, confiné dans un univers bourgeois et intellectuel, fait figure de caricature arriérée en ne cessant d'affirmer son désir d'appartenance envers Jane Russell et de ramener sur le devant des valeurs comme l'honneur au détriment de sa relation amoureuse : il s'engage alors même qu'on ne lui demande rien et qu'elle aurait été prête à tout lâcher pour lui.

 

L'argent est au coeur du film, ainsi que l'amour de l'argent dont le pouvoir semble, chose rare, supérieur au pouvoir de l'Amour. C'est parce que l'écrivain ne veut pas comprendre la situation et la motivation de Mamie Stover que naît l'impossibilité de leur couple. Celle-ci n'aspire qu'à l'indépendance et de liberté par la richesse après avoir vécu des années de misère et de honte, élément qu'il n'ignore pas puisque d'après ses propres dires : « c'est toujours la même histoire, seuls les noms et les lieux changent. » Lui est ancré dans un passé où l'amour est plus fort que tout, elle est moins naïve que les héroïnes classiques et désireuse de profiter de la vie.

 

Tout deux viennent de milieux différents. Leurs ambitions s'affrontent et seuls en fait leur corps et la chair les rapprochent et leur permettent de communiquer. Dès qu'ils parlent, ils ne se comprennent plus. Le pouvoir de la chair est aussi celui de l'image et la violence mélodramatique, sentimentale voire passionnelle, ne sera jamais directement montrée. Toute trace de brutalité est d'ailleurs exclue vers un hors-champ duquel ne réchappent que quelques cris. C'est la mise en scène précise et structurée de Walsh qui s'en chargera, opposant des couleurs violentes et destructrices à des espaces chauds, sensuels voire teintés d'humour dans le bungalow mais aussi des extérieurs dépouillés jusqu'à l'abstraction face à des intérieurs vivants.

 

Finalement ce film, très beau mélodrame sur l'opposition de deux individus et de leur univers, met en scène l'entre-deux stylistique dans lequel il se situe : un classicisme sur sa fin et une modernité galopante.

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