Critique : Jewboy

Nicolas Thys | 21 janvier 2008
Nicolas Thys | 21 janvier 2008

Jewboy n'est pas tant l'histoire d'un homme qui perd la foi que l'aventure intérieure d'un homme qui revient à la vie, qui découvre la réalité après avoir été cloisonné dans une bulle religieuse, côtoyant toujours les mêmes individus, s'adonnant aux mêmes rituels dans les mêmes endroits aux mêmes jours, aux mêmes heures. Sa vie bascule après le décès de son père, un rabbin : le socle de son univers, aveuglément construit sur quelques préceptes infondés, se fissure et il prend soudain conscience qu'autre chose existe. Le film n'est autre qu'une représentation de ce non-lieu paradoxal, où espace et temps sont toujours brisés, morcelés, où la perte des repères est totale avant un retour à la vie.

 

Tourné pendant toute sa première partie caméra à l'épaule Jewboy n'a pourtant rien de documentaire, bien au contraire. Ces mouvements, assez brutaux, sont simplement le reflet de ses états d'âme, de son trouble devant la découverte d'un nouveau niveau de réalité, devant l'idée que dorénavant sa vie n'est plus linéaire mais qu'il va lui falloir la maîtriser, ce qui nécessite un apprentissage. Pour le cinéaste, et c'est là une grande idée de mise en scène, tout se jouer dans le toucher, dans les impressions tactiles. Dès les premiers plans les mains sont au cœur du film. Organe créateur par excellence, il est une clé : c'est en affrontant ce tabou de la religion juive, puisqu'un homme n'a pas le droit de toucher une femme, que l'individu va se libérer.

 

Et qui dit toucher dit sexualité puisque tout commence par une caresse. A travers la main, le geste, l'action et la découverte du plaisir, sa perception du monde, auditive et visuelle également, va totalement basculer, en être chamboulée. Ce que filme Tony Krawitz est un véritable rite initiatique urbain dans toute son horreur, sa cruauté et son apparente brutalité mais qu'il parvient à sublimer. On assiste à une résurrection, véritable renaissance infernale  et traumatique après une mort, mais nécessaire et salvatrice.

 

La force de Jewboy tient aussi à son potentiel formel très riche, complet, proche parfois d'un Wong Kar-Waï, mais jamais outrancier, et à sa courte durée : 52 minutes de légèreté, de grâce et de poésie qui, rallongées, auraient été pesantes.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire