Critique : Elle s'appelle Sabine
Traiter de l'autisme autrement, éviter le regard consensuel et faussement empathique des reportages télévisés : c'est ce que propose Sandrine Bonnaire dans Elle s'appelle Sabine, documentaire sur sa sœur et sur la maladie dont elle souffre. Un film franchement salutaire, qui doit sa réussite à un traitement réfléchi et à une honnêteté admirable. Bonnaire ne juge pas, se posant en simple observatrice extérieure. Il n'y avait évidemment pas besoin d'en faire des caisses pour rendre le film édifiant. La vie de Sabine est une douleur de tous les instants, un conglomérat d'angoisses et de pulsions ; et parce que s'occuper d'elle est un défi quotidien, Sandrine Bonnaire n'oublie pas de montrer la souffrance que peut ressentir l'entourage. L'autiste est la principale victime de son mal, mais entraîne également les siens dans sa chute. Le film a le mérite de ne pas dissimuler le côté foncièrement méchant de Sabine, qui frappe et mord ceux qui l'approchent, comme un exutoire à son mal-être.
Elle s'appelle Sabine,
c'est aussi la déclaration d'amour faite par une femme à sa sœur ; une sœur
dont elle a vu l'état empirer progressivement, transformant une jolie jeune
fille juste un peu hors du monde en une femme imprévisible et difficilement
gérable. Peu importe : les liens du sang semblent plus forts que tout. Et la
tendresse réciproque entre les deux femmes se révèle rapidement contagieuse.
Alors qu'on aurait certainement détourné les yeux en moins d'une seconde si on
l'avait croisée dans la rue, on finit par s'attacher à cette Sabine si agaçante
mais si attachante. Quelques pointes d'humour, instants de dérision absolument
vitaux, montrent que la vie avec elle est certes une épreuve, mais aussi une
joie. Un constat simple et pas manipulateur pour deux sous.
Mais parce qu'il y a une vie en
dehors de la famille Bonnaire, la réalisatrice s'éloigne régulièrement du cas
de sa sœur pour s'intéresser à deux de ses compagnons d'infortune, Sabrina et
Olivier. L'occasion de montrer que l'union fait la force, et qu'il y a autant de
types d'autismes que d'autistes. D'où une vraie difficulté à régler leurs
problèmes. Le court témoignage de la mère d'Olivier fait état de la culpabilité
incessante qui ronge les pères et les mères de ces êtres complètement paumés,
conscients de leur état sans vraiment comprendre ce qui leur arrive. Le temps
d'un film, Sandrine Bonnaire nous met face-à-face avec eux, et c'est une
expérience unique.
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