Critique : Je t'aime, je t'aime

Je t'aime, je t'aime est l'un des plus importants films d'Alain Resnais, véritable laboratoire formel et plastique, et l'une des plus belles histoires d'amour jamais racontée au cinéma. Après des sujets politiques forts (l'après seconde guerre mondiale dans Hiroshima mon amour, la guerre d'Algérie dans Muriel ou la  résistance au franquisme dans La Guerre est finie, sans compter ses courts-métrages) et un film hypnotique dans veine du Nouveau Roman (L'Année dernière à Marienbad), le cinéaste, s'attaque à la science fiction s'entourant une fois encore pour le scénario d'un écrivain important dont il saura reprendre l'atmosphère assez marginale et audacieuse pour la redéployer à sa manière.

Dans Je t'aime, je t'aime, tout est une question de temps. Il s'agit avant tout d'un voyage, ou plutôt d'une renaissance dans le passé, d'une expérience scientifique qui, ne fonctionnant pas comme elle aurait dû, fait fuir un Claude Rich impressionnant dans un temps auquel il aimerait plus que jamais se raccrocher sans qu'une deuxième chance ne lui soit pourtant accordée, un temps qui le voit revivre ce qui est le début de la fin sans pouvoir en modifier quoi que ce soit. Les multiples flash-back désorganisent une chronologie folle impossible à maîtriser dans laquelle on ne peut que se laisser bercer.

Teinté de surréalisme, d'images dérangeantes et folles telle cette machine quasiment organique utilisée par Claude Rich pour son voyage, en totale opposition avec l'univers froid et rigide des scientifiques, le film de Resnais mêle adroitement comédie et tragédie dans un univers qui échappe à tout contrôle. Impossible de jouer avec le temps sans qu'il se retourne contre nous, la mémoire et la nostalgie sont d'ailleurs souvent plus fortes que le désir de connaître le futur. Et aux hommes qui se prennent pour des Dieux, l'habile théorie des chats, qui ne déplairait pas à Chris Marker, leur rappelle qu'ils ne sont que peu de choses.