Critique : Mon oncle Benjamin

Les aventures picaresques et grivoises s'enchaînent pour Jacques Brel qui semble y prendre beaucoup de plaisir. Réalisé en 1969, année si fameuse qu'on ne s'étonnera guère alors du nombre de poitrines nues fleurissant dans le film, Mon Oncle Benjamin pourrait être une réponse de Molinaro au film de Michel Deville sorti un an auparavant Benjamin sous-titré "les mémoires d'un puceau". Même prénom, même époque, la deuxième moitié du 18eme siècle, celle du libertinage dont les textes fournissent l'inspiration à quelques cinéastes français depuis la fin des années 50, malheureusement pas les meilleurs à de rares exceptions.

Le film de Molinaro est cependant beaucoup plus cru à certains égards que celui de Deville. Mais la différence majeure entre ces deux films réside d'une part dans le style, souvent pompeux et grotesque avec néanmoins quelques bonnes réparties et quelques idées agréables dans Mon Oncle Benjamin qui ne vole pourtant pas bien haut face à la superbe du second, d'autre part dans les castings qui s'opposent frontalement : le premier hérétique, le second très classique. Le truculent dissident Brel défiant vaillamment les plus grands face à la douceur et à l'innocence de Clémenti, Blier au naturel face à un Piccoli théâtral, Claude Jade ou Rosy Varte, éternelle Maguy, face à une Morgan et une Deneuve toutes droit venues d'un autre âge, et les grandes gueules du cinéma français, Paul Préboist, Paul Frankeur et Robert Dalban en tête, face au raffinement comique d'un Jacques Dufilho.

De là à dire que Molinaro aimerait décoincer un certain cinéma et le rendre plus populaire à coup d'embrassades sur les fesses ou de beuveries, il n'y a qu'un pas qu'on peut franchir aisément. Mais à vouloir trop en faire il sombre souvent dans le ridicule et trois ans plus tard, c'est Jean-Paul Rappeneau qui lui montrera la voie à suivre avec Les Mariés de l'an II. Nul Benjamin mais dans la même veine, tout aussi drôle et bien plus réussi.