Critique : Le Roman d'un tricheur

Adaptation de son unique roman écrit comme une fausse autobiographie, Le Roman d'un tricheur est l'un des films de Guitry les plus aboutis et les plus intéressants. D'abord ce générique absolument génial ou le cinéaste présente lui-même et un à un ses acteurs et techniciens suivi de l'histoire d'une vie, celle du personnage qu'il interprète et qui pourrait ressembler par certains aspects à sa propre vie. Le jeu notamment, au cœur de son œuvre est ici l'un des points essentiels du film qui voit le protagoniste passer de l'amour de l'argent (la tricherie) à l'amour du jeu, qui le conduira à sa perte sans pour autant qu'il en soit malheureux.

Générique et film se suivent et se ressemblent comme si commençant par montrer les artefacts d'un tournage il nous entrainait malgré nous dans un univers à la fois réel et cartoonesque. L'influence du dessin animé américain de forme courte est bien présente : nombreux mickeymousing lorsque l'enfant pleure par exemple, effets de style simples, grotesques et pourtant réussis comme la disparition des convives une fois morts, saynètes qui pourraient être à elles-seules un court métrage si on la détachait du reste avec gags à gogo, péripéties rocambolesques, images loufoques comme ce nouveau-né monégasque accompagné du râteau de croupier et retournements de situation.

En outre Guitry se fait créateur de formes, apportant au cinéma un élément alors peu utilisé et jamais de cette ampleur : la voix off qui, contrairement à de nombreux films depuis ne disparaît pas rapidement pour ne servir qu'à introduire un récit secondaire, mais hypnotise le spectateur et englobe le film qui devient alors la mise en images la plus originale et décapante d'un texte qui fait également office de scénario. Admirable d'un bout à l'autre la voix parfaitement reconnaissable du maître rythme idéalement une cadence qui ne faiblit jamais, ce qui est tout bonnement exceptionnel pour un long métrage.