Critique : Les Toits de Paris

Quand on aborde le sujet de la solitude dans les grandes villes (ici Paris) et de l'abandon des plus âgés, on pense tout de suite message publicitaire du gouvernement ou d'associations, surtout après la canicule de 2003. C'est un regard beaucoup plus beau et poétique que nous propose le réalisateur kurde Hiner Saleem, bien loin des tristes clichés que l'on connaît. Basé sur sa propre observation des habitants du dernier étage d'un immeuble parisien en face de l'église Saint-Vincent de Paul à quelques portes de son propre appartement, le réalisateur s'est construit une vision de notre société, ajoutant aussi un hommage personnel aux résidents qu'il a connus.

Avec une humanité et un charme désarmant, Michel Piccoli incarne Marcel, abandonné par les siens et une société qui ne sait que faire des « inactifs », dont la seule fierté est encore un sourire contagieux et dont la vision, au fur et à mesure que la situation se dégrade, atteint le spectateur comme des lames de rasoir dans le cœur. Il est  accompagné  dans son isolement, d'autres « rebuts » : la jeune et perdue Julie (Marie Krémer), le taciturne et émouvant Amar (Maurice Bénichou) et la très belle Thérèse (Mylène Demongeot). Tous en souffrance, ces personnages survivent, se croisent et se consolent un instant sur ce palier sous les toits d'un immeuble insalubre, un autre niveau de Paris.

La beauté des corps, des visages et des regards permet au récit de se passer de mots. Et c'est ainsi que se déroule le métrage, sans lenteur et sans faux pas, par le seul personnage de Marcel et l'abandon total de l'acteur Michel Piccoli, qui nous offre ici une performance magnifique. On sent par ses yeux la peur et la solitude, et par delà, une personnalité attachante et enfantine. Subtilité et pudeur semblent être les maîtres mots de ce film où les dialogues se jouent avec les yeux, malgré une fin terrible de réalisme. Un vrai coup de cœur.