Critique : Éloge de l'amour

Eloge de l'amour est un film envoutant et difficile, les deux n'étant pas incompatibles, qui se livre peu à peu, se révèle à force de le regarder et de l'écouter, pour peu qu'on soit attentif à ce qu'il fait voir comme à ce qu'il fait entendre. Comme à son habitude, Godard revient aux fondements tout en poursuivant son périple parmi les images et les sons, les entremêlant de manière à faire surgir des uns et des autres des idées sur la représentation, le souvenir, la mémoire.

A partir des difficultés d'un homme de mener à bien un projet cinématographique sur l'amour, la faute à une malheureuse question sur un mot aussi simple qu'abstrait : « adulte », le cinéaste disserte sur l'Histoire, son écriture et ses théories, le cinéma et ses rapports aux autres arts, sur une histoire du cinéma également qu'il essaierait de clore sans pouvoir y parvenir car le propre du septième art, le mouvement et le temps, est aussi le propre d'un monde qui ne existera toujours. Une fois encore, parler dans un film de l'Histoire et de ses guerres, présentes et passées, implique une réflexion permanente sur le cinéma et le statut de l'image.

Passant d'un noir et blanc magnifique typé Nouvelle-vague à des paysages en couleurs numériques qu'on dirait parfois presque peints, on perçoit dans ces explorations formelles des figures familières, des citations cinéphiliques directes ou indirectes. Godard distille Vigo un peu, Bresson souvent, lui-même également et quelques autres d'autres. Peinture, littérature et photographies sont aussi au centre de ce jeu qui en dit long sur le cinéaste et sa vision politique et esthétique du cinéma et du monde.

Mais surtout Eloge de l'amour tente désespérément de montrer l'amour sans vraiment pouvoir y parvenir, oubliant tout au fur et à mesure de ce petit théâtre de marionnettes où aucun pantin ne parvient à être crédible, sincère. Si l'amour existe, alors il ne peut être montré ou dit, toute tentative de description se terminant par un irrémédiable échec. Il est juste un sentiment et une idée.