Critique : Le Temps d'aimer et le temps de mourir

Nicolas Thys | 2 novembre 2007
Nicolas Thys | 2 novembre 2007

Amour, le film ne tient qu'à ce mot, à ce changement imperceptible dans le titre de l'ouvrage d'Eric Maria Remarque adapté par Sirk où l'amour remplace la vie, mais ces deux notions, pourtant si intimement reliées, entrelacées, font toute la différence. Il est rarement question de vie ici, mais plutôt de prélude à une mort prochaine et de survie à travers la passion et le déni d'une réalité inéluctable.

Cette réalité est celle de la guerre qui fait rage, pour les allemands également, évènement souvent occulté au cinéma qui se contente de montrer quelques corps lointain tombant sous les assauts de héros venus d'outre-Atlantique. Un parterre de corps meurtris jonchant le sol, des exécutions sommaires insupportables : le nazisme n'est pas partout, la guerre n'est que l'exécution d'ordres venus de plus haut, de dirigeants qui en oublient toute idée d'humanité et d'amour.

Malgré tout quelques hommes et femmes tentent de survivre, de s'aimer aussi passionnément que tragiquement, le temps et les évènement jouant contre eux, d'apprécier ce qui reste de beauté dans un monde délabré, le plus simplement possible, en regardant quelques fleurs bourgeonner, une rivière au flux continu, la nature suivre son cours insensible au délire belliciste d'une poignée d'individus.

Véritable hymne à la nature dans sa dimension la plus vaste, le format scope associé à la magnifique photographie de Russel Metty qui sublime un paysage désolé dans un technicolor chatoyant et la lenteur des plans de Sirk qui, tout en rappelant le macabre final annoncé dans le titre, appuie le réalisme de la situation et parvient à tirer le meilleur de l'affreuse beauté d'une passion mort-née, font de ce film un véritable chef d'œuvre humaniste.

Bien qu'antinazi, l'aspect politique passe au second plan pour laisser ces deux êtres, la pureté même, aller au bout de leurs sentiments réciproques. On comprend alors la célèbre maxime godardienne qui affirmait n'avoir « jamais cru autant à l'Allemagne en guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix ».

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