Et qui mieux qu’un véritable agité du bocal en mal de reconnaissance public après deux longs-métrages malades et gangrenés par la démesure de son auteur (les mal aimés Dobermann et Blueberry) pour traduire les tourments d’un monstre en quête d’humanité ? En cela et plus encore, Jan Kounen est le candidat idéal pour mener à bien l’ambitieux et iconoclaste pugilat mené par Beigbeder. La frénésie visuelle du réalisateur se révèle en totale adéquation avec l’esprit punk du film. Octave / Kounen, même combat : celui de dynamiter l’univers de la pub, le premier avec un art de la formule mordant et désabusé mis en forme par l’hystérique sens de l’image du second… ou comment combattre le feu par le feu.
Kamikaze de la pelloche, Jan Kounen trouve enfin en 99 francs le moyen de se dédouaner d’une filmographie qui l’aura jusqu’ici retranché au rang de sale gosse du cinéma français. Aux ambitions démesurées et ratées de Blueberry, répond donc ici une sorte de chaos organisé et réjouissant renvoyant aux excellents courts-métrages du réalisateur entre anarchie cartonnesque (Vibroboy, Gisèle Kérosène) et poésie esthétisante (Le dernier Chaperon Rouge). Toutefois, le film se distingue par une véritable maturité comme charge acerbe à l’égard d’une société glissant lentement vers le culte de l’image et l’individualisme via un consumérisme de plus en plus agressif. Certes, le propos pourra paraître condescendant et mal placé de la part de ses instigateurs, mais le voir prodigué par les enfants bâtards d’une mère capricieuse dispensant son amour au gré des tendances du moment renforce l’impact et la maturité d’un discours assené avec une telle force qu’elle ne peut que nous laisser K.O. !
Comble du paradoxe, Jean Dujardin transcende littéralement le statut iconique d’Octave et son aura d’acteur bankable. Portant le film sur ses épaules, l’acteur parvient à nous plonger immédiatement dans la psyché d’un mégalo qui ne s’ignore pas en réussissant le tour de force de rendre sympathique son personnage de vile ordure par de faux tics toujours bien placés. C’est là que réside toute la force du film qui allie une forme bordélique mais censée à une tête d’affiche secouée et entièrement vouée à cet OFNI français. Oserons nous la formule facile en affirmant que 99 francs vaut plus que son titre ? Allez pour la forme…