Critique : Requiem pour un massacre

Jean-Noël Nicolau | 10 septembre 2007
Jean-Noël Nicolau | 10 septembre 2007

Probablement le film de guerre le plus insoutenable jamais réalisé (et en cela peut-être aussi le plus grand), Requiem pour un massacre possède une aura quasi unique dans l’histoire du cinéma. Rare et méconnue, l’œuvre, datant de 1985, a longtemps été plus ou moins perdue avant d’être redécouverte peu à peu grâce au DVD. Basé sur des faits réels et principalement l’anéantissement de plus de 600 villages biélorusses durant la seconde Guerre Mondiale, Requiem pour un massacre colle au regard d’un adolescent rejoignant la Résistance malgré son jeune âge. Le titre original, Idi i smotri (Va et regarde) est plus révélateur des choix narratifs et formels du réalisateur Elem Klimov. En effet, tout est perçu selon les sens de l’innocent, la caméra adoptant souvent directement son point de vue et la bande son se brouillant dans la confusion, comme son audition altérée par le chaos environnant.

Usant de manière sublime du format 1:33, Klimov cite largement Andréi Tarkovski, que ce soit par de longs plans séquences virtuoses ou dans son rapport aux éléments primitifs (pluie, boue, terre, feu…). A la fois ultra réaliste et fréquemment onirique (voire symbolique) Requiem pour un massacre est avant tout une plongée dans la souffrance poussée à son paroxysme. Jamais la douleur et l’atrocité n’ont été filmées avec autant d’intensité, l’auteur refusant en grande partie les lois de la progression dramatique classique. Le crescendo dans l’horreur se fait dans l’amplitude, scandé par des scènes de foule impressionnantes mais aussi par des instants spectaculaires n’ayant rien à envier à Hollywood (bombardement, fusillades, incendie final).

Mais Requiem pour un massacre, et c’est là sa force, n’est jamais divertissant, son immense beauté étant entièrement dédiée aux images les plus insoutenables. A tel point que le spectateur en est parfois réduit à détourner les yeux de l’écran. Les acteurs, en particulier le débutant Aleksei Kravchenko, se donnent avec tellement de puissance que l’on partage immédiatement leur calvaire. Ultime coup de génie, Klimov achève son œuvre sur une idée passionnante : jusqu’où peut-on remonter dans la généalogie du Mal et celui-ci n’est-il pas inhérent à l’humain ? Un questionnement tétanisant qui ne fait qu’ajouter davantage de profondeur à ce chef-d’œuvre.

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