Critique : Jindabyne, Australie
Pour son troisième film en 22 ans, Ray Lawrence renoue avec la veine naturaliste de Lantana. Moins polar que drame contemporain, Jindabyne (nom d'une petite ville australienne) est le récit d'un fait divers et de ses conséquences, ou comment la bêtise humaine peut faire imploser des communautés entières. Comme tous les ans, quatre potes partent pour un grand week-end de pêche dans un coin connu d'eux seuls ; à leur arrivée, ils découvrent dans la rivière le cadavre d'une jeune aborigène, et décident de poursuivre tranquillement leur virée avant de prévenir la police. S'ensuit une série de réactions en chaîne, une violente plongée dans un cercle vicieux où la médiocrité engendre la médiocrité.
Jindabyne ressemble à un cousin éloigné de Mystic river et de The pledge. Éloigné car la scénariste Beatrix Christian
a soigneusement dégraissé l'intrigue de son aspect polar. Le film
annonce la couleur d'entrée : pas question de jouer la carte du
whodunit, les circonstances de la mort de la jeune femme étant très
rapidement clarifiées. C'est justement ce qui pouvait perturber dans
les deux films cités plus haut, qui frôlaient sans cesse la surcharge à
force de ménager à la fois le suspense et l'intensité dramatique. Il
est toujours délicat de se farcir une étude de moeurs lorsqu'on brûle
surtout d'envie de connaître le nom du coupable.
Sans verser dans le film bêtement choral, ce qui aurait été trop
facile, Lawrence fait brillamment coexister une demi-douzaine de
personnages, créant avec trois fois rien une atmosphère d'inquiétude
permanente. Même les scènes les plus ordinaires en surface laissent
transparaître un bizarre sentiment de malaise. C'est cette étrangeté
par petites touches et la finesse générale du trait (pas étonnant, Jindabyne
étant inspiré du grand Raymond Carver) qui font du film de Ray Lawrence
un nouveau petit joyau, sans doute un poil en-dessous de Lantana, mais diablement passionnant néanmoins.
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