Critique : Le Grand silence

Nicolas Thys | 24 juillet 2007
Nicolas Thys | 24 juillet 2007

Le Grand silence est une expérience intense autant cinématographiquement que spirituellement mais, malheureusement, elle ne peut se vivre pleinement que dans le calme et la plénitude d'une salle obscure, sur grand écran.

Poème visuel, le film joue sans cesse sur le temps à la fois immuable au sein de la confrérie religieuse de la Grande Chartreuse et mouvant au dehors. Les saisons passent inexorablement, se ressemblent mais chacune avec leur nuance propre. Ces variations avec lesquelles le cinéaste joue tout au long du film sont presque imperceptibles ; il s'agit d'une lumière qui s'étiole ou s'affirme peu à peu, d'un nuage de brume qui se déplace ou de la flamme d'une chandelle qui nous ramène dans un lointain passé. Tout est contemplation dans un univers qui ne fait que tendre vers l'infini et nous rappeler une époque hors de tout espace-temps.

Le film se transforme rapidement et devient lui-même un monastère qu'on arpente au grès de la vie des frères, des messes, des temps de lecture et autres. On ne peut que se sentir happé par ce monde inconnu qui s'offre à nous, à des milliers de lieues de notre quotidien et ce peu importe les croyances auxquelles on adhère. Le film de Philip Gröning est un voyage sublime, une échappatoire sans jugement ni visée politique ou religieuse aucune durant laquelle on oublie tout.

Mais, et peut-être plus que pour tout autre film, voir Le Grand silence sur un téléviseur relèverait presque du blasphème. Toute la beauté du film disparaît et ce dernier devient d'un ennui mortel. On ne voit plus rien, on ne perçoit plus rien. L'ascèse à laquelle le spectateur est soumise près de 3 heures durant dans le cocon d'une salle, happé par un spectacle qui l'englobe et auquel il participe, prisonnier volontaire tout comme les protagonistes du film, se disloque et se dégrade une fois assis dans un canapé face à un petit écran. Ces variations, cette beauté contemplative n'existent plus. Chaque plan fixe prend la forme d'un arrêt sur image agaçant et chaque parcelle de vie crée par le film n'en devient que plus consternant.

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