Critique : La Lance brisée

Nicolas Thys | 10 juillet 2007
Nicolas Thys | 10 juillet 2007

La Lance brisée est un western typique des années 50, décennie des grands bouleversements du genre qui mèneront à sa fin. Si d'un point de vue formel on retrouve toujours certains codes caractéristiques comme les chevauchées dans des grands espaces, cette fois magnifiées par un format Scope du plus bel effet et une photo splendide très contrastée entre les lieux désertiques et aériens plutôt colorés et d'autres séquences plus ternes, le changement se situe au niveau de l'action et de son traitement.

Le film de Dmytryk montre des protagonistes qui manifestent leurs états d'âme : les règlements sont davantage d'ordres sentimentaux que belliqueux et, fait rare, un cowboy dit « je t'aime » ouvertement à sa fiancée. Le western perd de sa simplicité originelle pour devenir psychologique, le schéma du type cause/conséquence est rompu. Les héros ont d'ailleurs une histoire familiale et ils la font connaître, le récit en flash-back est là pour le rappeler. Alors que souvent le western est tourné vers l'avenir, cette fois le retour au passé interpelle et ce qui se joue d'habitude en 1h30 dure en tout et pour tout 15 minutes et tourne court : le héros a progressé moralement sans tuer quiconque.

Rappelons que ce film est un remake, non d'un autre western, mais d'un drame de Mankiewicz : La Maison des étrangers ; et ce second genre vient complètement parasiter La Lance brisée pour le transformer en autre chose, plus complexe, plus moderne, plus passionné. Les deux films sont signés Philip Yordan, auteur aussi de Johnny Guitar autre grand western qui remet en cause les fondamentaux du genre.

Le manichéisme propre à la plupart de ces films ainsi que les multiples tueries disparaissent et laissent la place à une justice ordonnée qui sans être toute à fait propre rappelle sans aucun doute possible la nôtre. Avant tout coulait de source : l'un se faisait descendre et l'autre le vengeait. Ici qui peut encore dire où est le mal et le bien entre les trois fils maltraités et le père haï, entre 40 bêtes tuées parmi plusieurs milliers et des dizaines d'hommes au chômage ?

Le seul personnage qui agisse encore comme un pionnier, le père, grand propriétaire terrien, est mort. Ses fils se sont installés en ville dans des bureaux et ont fini de lutter contre la nature. La Lance Brisée fait partie de ces films réflexifs hollywoodiens qui voient un genre disparaître, avec lui une époque entière mais qui, au lieu de s'effondrer sur eux-mêmes, deviennent des grands classiques.

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