Critique : Espions sur la tamise

Film noir de Fritz Lang réalisé pendant la seconde guerre mondiale en pleine vogue du film d'espionnage et de la paranoïa d'une infiltration nazie en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, Espions sur la Tamise vaut mieux que la simple dénomination de film de propagande qu'on lui accole régulièrement.

Très orienté vers l'occultisme et la chiromancie, ce petit bijou de l'un des maîtres du cinéma allemand reste un film bien ancré dans une époque où la psychanalyse et le désir d'introspection étaient au centre de bien des films. Le scénario, tiré d'un roman de Graham Greene auteur du Troisième homme, aux invraisemblances parfois frappantes, n'est qu'un prétexte, sinon un McGuffin, pour offrir une composition formelle et plastique extrêmement riche et une réflexion sur la culpabilité du héros et son désir d'aller de l'avant afin de combattre ses vieux démons.

Tout semble se jouer à travers des décors épurés et des jeux d'ombres et de lumières éblouissants qui sculptent littéralement l'espace et le temps afin de permettre à une atmosphère sordide et inquiétante de se développer tout au long du film, ce qui n'est pas sans rappeler le travail de Lang dans la seconde partie des Nibelungen par moments. Deux séquences sont particulièrement frappantes à cette égard, d'une part la scène de spiritisme où les corps des personnages disparaissent avec la lumière derrière une voix cauchemardesque et d'autre part la séquence de meurtre finale où seuls s'échappent d'un noir oppressant quelques flashs éblouissants et un rai de lumière provenant d'un petit trou dans une porte symbolisant l'indicible de la mort.

Lang réalise ici un film à la fois très personnel et respectant parfaitement les codes du genre, une composition magnifique, tout à fait prenante où le suspense et la beauté de chaque plan parviennent à faire oublier les quelques énormités de l'histoire.