Critique : Garrincha

Les spectateurs habitués aux retransmissions télévisées des matchs de football risquent forts d'être déçus ou tout au moins surpris par Garrincha et sa mise en scène. Aucun match en plan large, aucune vue du terrain et même rarement, dans la première partie du film de Joaquim Pedro de Andrade, de plan du joueur en entier. Quoi alors ? Et bien justement ses pieds et son fameux dribble qui a fait des ravages durant plus d'une décennie et principalement à l'occasion de la coupe du monde de 1962.

Réalisé un an plus tard, en 1963, le film se concentre sur le point fort du footballeur, le cadre, le suit et tente d'en percer le secret avec des pointes d'humour et un sens de l'observation des plus réalistes. Garrincha est également pour le cinéaste l'occasion d'expérimenter différentes formes filmiques, de s'amuser avec la matière même de la pellicule, tout en s'intéressant à un homme illustre, à sa vie et à son univers.

Dès le générique le cinéaste prend ses marques, la photographie domine puis vient le mouvement : normal, ralenti, accéléré, tout y passe. On est dans un régime d'observation, de décomposition du réel mais également dans une plus grande proximité avec celui-ci et avec le sportif, sa famille, ses amis. C'est également l'occasion de parler du Brésil, de sa pauvreté et de son autre face : sous le strass et la joie communicative de l'évènement sportif, c'est la pauvreté et la misère qui domine. Garrincha est alors un messie, porteur d'espoir, celui en qui tout le monde veut et peut se reconnaître : l'homme du peuple misérable, parti de rien et devenu riche et célèbre.

Joaquim Pedro de Andrade réalise ici un film brillant mêlant toutes les composantes majeures de son cinéma. Après les mythes et récits mythiques qu'il a mis en scène dans ses fictions, c'est à une véritable mythologie brésilienne du 20eme siècle qu'il s'attaque et à qui il rend hommage tout en poursuivant sa petite révolution cinématographique.