Critique : Brumes

Howard Hawks, ancien pilote, grand réalisateur de films sur l'aviation qu'ils se déroulent en temps de guerre - Air Force - ou en temps de paix - Seuls les anges ont des ailes - réussit avec Brumes le coup de force de faire un excellent film sur l'aviation où les avions sont peu présents. Alors que l'on pouvait légitimement s'attendre à des scènes aériennes à couper le souffle, seul le cockpit de quelques coucous pris dans la brume est montré ainsi que quelques plans d'ensemble de-ci de-là faisant du film davantage un drame humain dans lequel le cinéaste parvient à mettre en valeur certains de ses thèmes majeurs, qu'un film d'aventures.

Le récit se concentre sur ce petit groupe d'hommes et de femmes de l'aéropostale qui ne semblent avoir de contact avec presque personne à l'extérieur, vivant presque en autarcie dans les mêmes bâtiments à longueur de temps. L'arrivée d'un élément perturbateur ingérable viendra tout chambouler mais malgré les drames qui se jouent le cinéaste évite tout sentimentalisme à outrance : si les émotions ne sont pas interdites, elles ne doivent jamais prendre le dessus afin que tous puissent accomplir au mieux leur devoir.

Aussi lorsqu'un pilote hors normes échange sa place avec l'un de ses coéquipiers de l'aéropostale et qu'un vol se révèle plus difficile que prévu, tout bascule. Le cinéaste instaure alors un suspense époustouflant au cours d'une très longue et intense séquence absolument parfaite du point de vue de la mise en scène. Resserrant le cadre sur les personnages au fur et à mesure que le rythme s'intensifie, Hawks s'amuse avec les nerfs des spectateurs. Tout se joue sur des non-dits qui laissent planer un doute insupportable et font ressurgir les tourments et les histoires passées jamais révélées de chacun. 

Fort justement joué par le duo Cagney/O'Brien dans l'une de leur plus intéressante composition, Brumes, trop souvent mésestimé, n'en reste pas moins un grand film sur l'être humain et ses limites.