Critique : Mizoguchi, les années 40 en 5 films

Jean-Noël Nicolau | 15 juin 2007
Jean-Noël Nicolau | 15 juin 2007

Avec Cinq femmes autour d’Utamaro Mizoguchi propose un discours très classique sur le rôle de l’artiste au sein du monde, à la fois celui qui le transcende par son regard et qui en porte le fardeau. Coupable de magnifier la beauté, Utamaro paie son génie et la sincérité de sa vision. Les femmes qui gravitent auprès de lui, trop belles pour ne pas être déjà des œuvres d’art, possèdent la force qu'il manque aux hommes, ici souvent réduits à l’arrière-plan de l’histoire. Mizoguchi ne cherche par la véracité du parcours du peintre Utamaro, mais se fend d’une reconstitution magnifique qui lui permet de créer un film d’une maîtrise mémorable. Cinq femmes autour d’Utamaro est une oeuvre passionnée qui dépasse ses prémisses bien connues pour imposer sa rigueur visuelle et une galerie de personnages intenses.

 

Tourné très rapidement et avec peu de moyens, l’Epée Bijomaru a surtout permis à Mizoguchi d’éviter la mobilisation à la fin de la seconde Guerre Mondiale. L’histoire très classique d’un samouraï qui devient forgeron pour confectionner la meilleure épée qui soit et ainsi accomplir sa vengeance, est traitée selon le point de vue des artisans. On peut imaginer que c’est le faible budget qui a engagé le réalisateur vers la voie de ce minimalisme spectaculaire. Œuvre mineure, l’Epée Bijomaru présente surtout un intérêt historique dans la filmographie de Mizoguchi.

 

 

L’Amour de l’actrice Sumako est une tragédie autour du monde du théâtre qui ne brille pas par l’originalité de son propos. Sacrifice pour l’art, concours de circonstances, triangle amoureux, des Chaussons rouges à Millennium actress, on pourra juger que d’autres œuvres cinématographiques ont fait preuve de plus d’audaces (visuelles et narratives). Le film demeure touchant en particulier grâce à la performance de Kinuyo Tanaka dans le rôle principal.

 

 

Handicapé par une symbolique parfois assez pesante (comme le confirme son final), les Femmes de la nuit vaut surtout par son pessimisme étouffant et sa vision très sombre du Japon d’après-guerre. En se penchant sur le sort de prostitués qui ne cessent d’être entraînées toujours plus loin dans les tragédies, Mizoguchi affirme son féminisme et en particulier son originalité par rapport à des cinéastes tels que Kurosawa ou Naruse. Très dur et très éloigné de la préciosité visuelle d’autres œuvres du réalisateur, les Femmes de la nuit se redécouvre avec beaucoup d’intérêt.

 

Chef-d’œuvre féministe, Flamme de mon amour raconte la lutte de Toshiko Kishida témoin et victime de la société machiste japonaise de la fin du 19e siècle. Avec ce film difficile mais plein d’espoir, Mizoguchi déploie une mise en scène raffiné (travellings, plans séquences…) et un discours d’une grande modernité. La force du personnage principal de Flamme de mon amour permet à l’histoire d’échapper en grande partie aux clichés et ainsi de souligner le propos du réalisateur avec quelques scènes inoubliables.

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