Critique : Et toi, t'es sur qui ?

Il ne faut pas prendre son titre au premier degré : Et toi t'es sur qui ? n'a évidemment rien d'un teen movie. Le premier long de Lola Doillon est une fiction au doux parfum de documentaire, qui dissèque les premiers émois amoureux et sexuels de notre belle jeunesse. En se focalisant sur un échantillon d'ados troublés par les palpitations conjointes de leur cœur et de leur bas-ventre, la réalisatrice montre que ces sentiments-là sont universels et incontrôlables. Ne jamais juger, se poser en simple observateur : c'est le défi pleinement réussi par un film qui parle peu mais finit par dire beaucoup.

Il n'était pas évident pour Lola Doillon de se faire un prénom. Avec un père dont la réputation n'est plus à faire et un mari (Cédric Klapisch) spécialiste des films populaires sur la jeunesse, il lui fallait montrer que le piston ne fait pas tout. En faisant le pari de la modestie, elle se met hors de portée des railleries et prouve aisément qu'elle n'est pas là par hasard. Pour un premier film, Et toi t'es sur qui ? fait en effet preuve d'une rare maturité. Le scénario, d'une justesse incroyable, capte parfaitement les comportements des ados d'aujourd'hui. Et si les situations sentent la caricature, c'est parce que l'ado est superficiel par essence. Faire l'éloge des sentiments nobles tout en ne cherchant qu'à coucher à tout prix, mentir comme un arracheur de dents pour ne pas perdre la face… Dans une jeunesse plus ou moins lointaine, on a tous connu des situations aussi pathétiques que celles-là ; Lola Doillon s'en sert pour tisser une chronique sociale d'une rare finesse.

Discrète et réfléchie, évitant les facilités de la caméra à l'épaule, sa mise en scène sert un propos jamais appuyé, toujours esquissé par petites touches. Quant aux acteurs néophytes, ils sont tous excellents, plus vrais que nature, au service de personnages que l'on devine proches d'eux. Maîtrisant son film de bout en bout, Lola Doillon s'impose comme une digne héritière de son père, et en cousine germaine d'Abdellatif Kechiche. Il y a des références moins flatteuses…