Critique : L'Équipage

Les années 30 en France ont produit deux types de films de guerre : les films pacifistes comme La Grande illusion de Jean Renoir et d'autres plus patriotiques comme L'Equipage. Dans ce dernier, réalisé par Litvak en 1935, un jeune aspirant aviateur part à la guerre accompagné d'une femme rencontrée la veille. Il se lie d'amitié avec un aviateur avec qui il va faire équipe mais malheureusement il découvre que celle dont il est amoureux n'est autre que la femme de son ami.

L'équipage place l'amitié et les valeurs nationalistes au dessus de l'amour et du bonheur individuel, vantant au passage les mérites de l‘armée française. Le message véhiculé, assez ridicule et simpliste comme le scénario, est que l'amour ne doit pas interférer avec l'idéal de la Nation. Le film se dote également d'un certain côté misogyne agaçant car comme chacun le sait, seule une femme est assez égoïste pour briser une amitié et une carrière militaire afin de satisfaire son bonheur personnel...

Heureusement le cinéaste n'est pas n'importe qui : Anatole Litvak. Né en Russie en 1902 d'où il migrera vers les Etats-Unis juste avant la seconde guerre en passant par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni où il fait ses armes comme metteur en scène. La réalisation est ici particulièrement brillante et sauve le film, lui redonnant même un peu d'humanité. Les décors oscillent entre le faste des grandes demeures citadines et la crasse des cabarets grivois ou d'escaliers particulièrement expressifs : chaque lieu mis en valeur par une photo magnifique devient dès lors le reflet des sentiments intérieurs des protagonistes.

Les scènes de batailles sont particulièrement réussies : la caméra sait se faire mobile malgré les difficultés techniques inhérentes à l'époque du tournage apportant un rythme soutenu aux combats aériens ainsi qu'aux séquences au sol. Si les chansons, très courantes dans les films français du début du parlant, sont parfois assez ridicules, les partitions d'Arthur Honegger, l'un des plus importants musiciens du début du siècle, y sont également pour beaucoup dans la réussite formelle du film.