Critique : Persepolis

Sandy Gillet | 25 mai 2007
Sandy Gillet | 25 mai 2007

Rarement un film d'animation aura su générer une telle ferveur communicative dans une salle de cinéma. Ce fut le cas de Persépolis lors de sa projection officielle à Cannes en présence d'une grande partie de l'équipe du film à commencer par Marjane Satrapi, co-réalisatrice et initiatrice originelle du projet par ses quatre bandes dessinées devenues instantanément cultes.

L'histoire racontée, c'est son histoire. Celle d'une enfance vécue à Téhéran lors du régime du Chah, de sa chute et de l'avènement de la République islamique. De son adolescence en Autriche histoire de fuir la guerre contre le voisin irakien et les « commissaires de la révolution » chargés de faire respecter entre autre chose le port du voile... Celle d'une apatride déchirée entre l'exil forcé et solitaire (ses parents sont restés au pays) et la perte de repères jusqu'au sein même de sa propre famille. On ne reviendra pas ici sur la charge politique pourtant bien présente mais que Marjane Satrapi a toujours déclaré ne pas être le propos du film. On se contentera juste de souligner que cette description du régime en place en Iran via les yeux de l'enfance est certainement ce qu'il nous a été montré de plus vrai, de plus drôle et de plus terrifiant, à mille lieux des idées reçues. Et rien que pour cela Persépolis est déjà précieux.

À ce point de l'article on en oublierait presque de rappeler que Persépolis est un film d'animation en 2D qui a su respecter avec fidélité les dessins de Marjane (l'autre réalisateur Vincent Paronaud, figure de la bande dessinée underground y est, bien entendu, pour beaucoup) en y ajoutant une intelligence dans les mouvements et un esthétisme plus appuyé et référentiel vers le cinéma. On pense à l'expressionnisme allemand ou à La Nuit du chasseur pour le travail graphique sur le noir et blanc fait d'ombres et de contrastes très appuyés et où les traits sont épurés et permettent à l'émotion de l'histoire d'être toujours prégnante sans pour autant être étouffante.

Enfin les voix choisies et la direction d'acteurs ad hoc sont l'autre très grande réussite du film : Catherine Deneuve est parfaite dans l'exercice et dans le rôle de la mère, Simon Abkarian « joue » avec tact et retenue le père meurtri mais toujours digne même dans l'adversité. Et Chiaria Mastroianni en Marjane est tout simplement admirable d'intelligence et de chaleur dans les différentes tonalités de son jeu. Mais la palme revient, sans discussion, à Danielle Darrieux. Elle donne corps avec fougue, humour et sincérité au personnage de la grand-mère au caractère bien trempé et à la lucidité étonnante.

Au final cela donne vingt minutes d'ovation non-stop à cannes et de mémoire de festivaliers, cela faisait un bail que l'on n'avait pas vu cela...

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