Critique : L'Emploi

Comme souvent chez Olmi, L'Emploi a été tourné avec des acteurs non professionnels venus de la région où le film fût tourné, proche de Milan, là où grandit le cinéaste. Il s'agit cette fois de l'histoire de deux jeunes individus que tout devrait rapprocher et que tout va séparer. A la découverte de ses premiers émois, un peu rêveur et peut-être naïf concernant le monde qui l'entoure Domenico habite encore chez ses parents. A la recherche d'un emploi qui lui permettra enfin de quitter sa campagne natale et de trouver une certaine stabilité en ville Domenico fait la rencontre d'Antonietta. Après quelques tests ils se retrouvent embauchés mais chacun dans un bâtiment différent.

A travers ce récit en apparence banale d'un simple amour de jeunesse Olmi parle essentiellement de la situation de l'Italie d'après-guerre et du désir pour la population jeune de retrouver des repères quitte à en perdre sa liberté, liberté d'aller et venir, de prendre son temps et de pointer. Un peu à la manière d'un Brazil 30 ans avant et le cynisme en moins, L'Emploi est le témoignage de la généralisation d'un univers où la pointeuse fait office d'horloge, où des individus, réduits à n'être que les visages d'une masse sur lequel seul le chef à un pouvoir de contrôle, se battent pour un siège indifférents à la mort de leur prochain.

Le film n'est que l'entrée dans cet univers sordide et incompréhensible de Domenico qui voit ses rêves et ses espoirs s'envoler sans retour possible en arrière. Fatale et dramatique cette histoire est le reflet d'un monde qui a changé, d'une société en mutation sur laquelle aujourd'hui plus personne n'a d'emprise. De manière admirable, dénué de toute parole inutile et à l'aide d'une mise en scène où tout se joue dans les regards et sur les visages, le film témoigne de cet état de transition entre ruralité et urbanisation où tout sentiment superflu se retrouve vite évacué.