Critique : L'Arbre aux sabots

Nicolas Thys | 21 mai 2007
Nicolas Thys | 21 mai 2007

Palme d'or méritée du festival de Cannes 1978, L'Arbre aux sabots est le chef d'œuvre d'Olmi, la quintessence de toute son œuvre. Dans cette fresque paysanne près de trois heures, le cinéaste relate la vie de quatre familles bergamasques à la fin du 19eme siècle vivant dans une grande ferme où presque rien ne leur appartient et assujetties à un patron tout puissant.

 

Rythmé par les veillées pendant lesquelles tout le monde se retrouvait autour d'un conteur qui inventait chaque fois des histoires différentes, le film, qui s'étale sur une durée d'un an, s'intéresse avant tout à la période creuse entre deux récoltes, au moment où les paysans sont les plus libres, où ils laissent leurs espoirs, leurs doutes et leurs sentiments reprendre le dessus sur leur labeur quotidien.

 

Le scénario est inspiré de faits réels que l'aïeule du réalisateur lui racontait lorsqu'il était enfant et qu'il tente de reproduire ici. La voix du récit est triple dans ce film et elle sert de fil conducteur entre cette époque lointaine et celle du film : du conteur des veillées à Olmi lui-même qui nous raconte ses histoires en passant par son aïeule, transition entre deux mondes qui n'ont semble t-il plus aucun lien entre eux. Le cinéaste transpose sur pellicule les discours oraux de paysans pour la plupart analphabètes afin qu'ils ne se perdent jamais.

 

Olmi se fait ici poète de la matière, des gestes et des regards, observant ces paysans dans leurs tâches les plus simples et leur occupation journalière à la manière d'un anthropologue qui s'attacherait à reconstituer une époque qui semble révolue. Mais le regard d'Olmi transcende chaque plan, chaque micro-récit et il parvient à reformer un puzzle monumental, un tableau dans lequel tout s'imbrique à la perfection jusqu'à un final intolérable, muet révoltant et intemporel.

 

C'est également l'occasion pour Olmi de revenir sur une époque aujourd'hui disparue et sur sa fin dans les années 1970. Tourné pendant plus d'un an avec de véritables paysans de la région de Bergame dans leur dialecte d'origine, le cinéaste ne triche pas : même si les conditions se vie se sont améliorées depuis le 19eme siècle, les protagonistes travaillaient toujours plus ou moins de la même manière. Comme lors de ses précédents films Olmi se fait témoin d'une époque qui se termine et enregistre dans l'Arbre aux sabots les derniers gestes d'une tradition ancestrale en la remettant en contexte.

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