Critique : Le Désert rouge

Nicolas Thys | 10 mai 2007
Nicolas Thys | 10 mai 2007

Réalisé en 1964, le Désert rouge est sans conteste l'un des principaux films du cinéaste avec L'Éclipse, Blow up ou encore l'Avventura. Le meilleur résumé du film est peut-être la sentence expéditive de Jean-Luc Godard qui avait à sa sortie qualifié l'œuvre de « drame plastique ». Fait important à signaler il s'agit du premier film en couleur d'Antonioni et comme pour d'autres cinéastes d'envergure comme Kurosawa et son Dodes-Kaden par exemple, le Désert rouge se double d'une importante réflexion plastique sur la peinture et la couleur.

Une nouvelle fois il s'agit d'une histoire mettant en situation le trio classique : deux hommes et une femme : le mari, la femme et l'amant. La femme se sent seule et a subi un choc dont elle ne parvient pas à se défaire. Une nouvelle fois il s'agit de mettre en avant l'industrialisation rapide de l'Italie et la bourgeoisie régnante face au retour et au refoulement de la mémoire. Mais cette fois la nouveauté se trouve le style utilisé : le formalisme d'Antonioni atteint un nouveau stade et son utilisation magnifique du flou associée à celle des couleurs donne un sentiment d'étrangeté inédite particulièrement captivant.

Déjà, le générique préfigure l'ensemble du film. Il s'ouvre sur une succession de plans flous de paysages déserts et industriels gris qui se colorent peu à peu, vision floutée qui sera souvent associée à Monica Vitti et qui marque sa peur de l'avenir, son refus de voir loin. Elle reste figée dans une douleur qui la persécute et qu'elle ne maîtrise pas. Sa première apparition est presque surréaliste : elle est une tache colorée surgie d'un néant brumeux dans un paysage terne et grisâtre et elle achète à un employé en grève sandwich entamé alors qu'elle peut en acheter juste à côté.

Antonioni oppose couleurs froides et couleurs chaudes et les conservent dans un paysage blanchâtre qui a la fonction d'une toile de peintre. On ne perçoit rien, tout est vide jusqu'au magasin qu'elle tente de faire fonctionner et dont les murs sont à peine colorés. Antonioni est à la recherche de l'abstraction et semble peindre chaque plan comme certaines toiles de Nicolas de Staël ou de Matisse. Tout se joue dans cette confrontation d'une industrie colorée et d'un passé brumeux, sans vie.

La séquence la plus extrême et la plus belle est certainement celle de la cabane et de sa sortie où tout se joue dans une débauche de rouge qui fait face à un paysage extérieur totalement opaque. Au cours de cette scène Monica Vitti se pose une question curieuse : « Que faire de ces yeux ? Regarder quoi ?» et Richard Harris de répondre : « Toi tu cherches que regarder, moi comment vivre »... Tout un programme philosophique et esthétique auquel le cinéma Antonioni ne cessera de renvoyer et qui trouve dans le Désert rouge l'une de ses expressions les plus abouties.

Résumé

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