Critique : Drôle de drame

Nicolas Thys | 10 mai 2007
Nicolas Thys | 10 mai 2007

« Bizarre, bizarre » : à la répétition de ces deux mots les plus cinéphiles se souviennent du visage menaçant de Louis Jouvet et de l'angoisse de Michel Simon le tout exprimé de façon si exagérée que le rire vient instantanément. Cette réplique de Drôle de drame est définitivement passée à la postérité et reste perçue comme les véritables débuts du duo Marcel Carné / Jacques Prévert même s'ils avaient déjà collaboré sur un précédent film. Voici qu'enfin ce grand classique du cinéma français d'avant-guerre au casting impressionnant pour l'époque ressort en DVD dans une édition collector qui lui rend hommage comme il le mérite.


Réunissant rien moins que Michel Simon, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Aumont et Françoise Rosay, cette comédie sur fond d'histoire policière et de quiproquos en tout genre n'a en tout cas rien perdu de son charme et de sa vitalité et a même, tout comme le bon vin selon le dicton, pris de la valeur en vieillissant. Rappelons qu'à sa sortie les critiques avaient réservé un accueil assez défavorable au film, Henri Jeanson, futur scénariste d'Hôtel du Nord, aux premières loges. Cet espèce d'ovni cinématographique par son ton libre et poétique à la limite du surréalisme par moment, ses aphorismes délicieux et son mélange des styles avait de quoi déconcerter un public habitué à voir et entendre toujours les mêmes rengaines.


Un homme de bonne famille est accusé d'avoir tué sa femme par son cousin êveque. En fait celle-ci veut simplement éviter de voir se jeter sur elle le discrédit de la grande société suite au départ de ses domestiques et tout va tourner au (drôle de) drame. Le film de Carné est composé d'un délicat mélange de vaudeville théâtral typique de Feydeau aux réparties cinglantes, de cette comédie anglaise qui aura son heure de gloire à la fin des années 40 avec Noblesse oblige et de burlesque américain du plus pur style. La séquence où le maître d'hôtel chinois « cueille » des fleurs sur les vestons des passants au son de l'orgue de barbarie pendant que le mime Barrault séduit Françoise Rosay au son de l'accordéon et de L'Amour est digne de figurer dans toutes les anthologies du genre.


Mais en plus d'être accompagné d'une magnifique équipe de comédiens tous parfaits dans des rôles qui semblent avoir été écrits sur mesure et d'un des deux plus grands dialoguistes français de tous les temps avec Audiard en la personne de Prévert, Carné a su s'entourer de certains des meilleurs techniciens de l'époque. Par exemple Alexandre Trauner aux décors pour une reconstitution de l'Angleterre populaire et bourgeoise décalée tout a fait réussie et Eugen Schüfftan, chef op' oscarisé de Fritz Lang, Douglas Sirk ou Robert Siodmark entre autre qui réussit ici l'une de ses plus belles compositions accompagné d'Henri Alekan futur directeur photo de la Belle et la bête.

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