Critique : Le Vieux jardin

Thomas Messias | 16 avril 2007
Thomas Messias | 16 avril 2007

Pas à pas, film après film, Im Sang-soo retrace l'histoire de la Corée qu'il aime, de coups d'état en révolutions sanglantes. Après la noirceur rigolarde de l'impeccable The president's last bang, Le vieux jardin opte pour une vision plus romanesque, pour ne pas dire fleur bleue, des évènements qui ont secoué la Corée du Sud en 1979 et 1980. Le héros du Vieux jardin, adaptation du joli roman de Hwang Sok-yong, est un militant socialiste  qui retrouve la liberté après dix-sept ans de prison et découvre que la femme qu'il aimait est morte et que ses illusions se sont envolées. À travers lettres, souvenirs, de tableaux, il tente de reconstruire son passé et sa mémoire, à défaut de pouvoir rebâtir son pays. Des désillusions en chaîne qui prêtent à l'amertume, aux regrets, au rejet du pouvoir en place. Pourtant...

Une chose est sûre : Im Sang-soo est bien moins à son aise dans l'eau de rose que dans le noir d'encre. La première heure n'a rien de déshonorant, mais n'offre rien de plus que ce que l'on appelle poliment du beau cinéma (pas désagréable mais gentillement ennuyant), pas vraiment transcendé par une mise en scène appliquée à la limite du scolaire. Dans cette première partie, le réalisateur nage en plein paradoxe : si sa description de cet amour si intense est incroyablement timorée, elle a néanmoins tendance à reléguer le propos politique loin à l'arrière-plan. La frustration est réelle.

Heureusement, la suite fournit des raisons de se réjouir : à mesure qu'il se détache du cadre intime de la relation amoureuse pour mieux s'intéresser à ce qui meut les groupes de pensées et les familles coréennes, Im Sang-Soo retrouve la flamme qu'on lui connaît. En dépit d'effets spéciaux d'une rare pauvreté, les scènes de manifestation et de guérilla urbaine sont de très grands moments, à la fois épiques et bouleversants, provoquant la colère et le dégoût. Et Le vieux jardin, derrière la description discrète mais corrosive d'une Corée qui se fourvoie, d'évoluer encore pour devenir le portrait d'un fantôme : celui d'une femme forte, tête pensante et artiste talentueuse, avec assez de cran pour mener à elle seule une révolution mais au destin finalement tout autre. La magnifique Yum Jung-ah donne à ce personnage – et au film tout entier – une puissance insoupçonnée, qui fait en partie oublier les défauts d'un oeuvre pas assez affirmée pour être totalement convaincante.

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