Critique : Schultze gets the blues

Nicolas Thys | 11 avril 2007
Nicolas Thys | 11 avril 2007

Après la série de mini documentaires réalisés par de grands cinéastes américains sur le blues en 2003, cette musique typique US revient à ses sources européennes avec le premier film de Michael Schorr, à l'origine documentariste et qui s'essaye ici à la fiction avec un certain succès. À partir d'une histoire simple, la découverte du blues par Schultze, un vieil allemand joueur de polka et amateur de nains de jardin contraint de partir en pré-retraite, et d'une mise en scène qui se distingue par de longs plans séquences où le vide et l'ennuie se mêlent au décalage visuel et au comique, le cinéaste nous plonge dans une vision du monde unique mais également déconcertante.


Schultze en proie à l'incompréhension de ces concitoyens quant au revirement complet de ses goûts musicaux est malgré tout désigné pour partir aux État-Unis, en Louisiane, berceau de la musique cajun. Mais les liens unissant l'Allemagne et les États-Unis sont plus qu'ambigus. Ces deux pays qu'on pourrait croire opposés ne le sont en fait pas tant que ça. Face à une Allemagne désenchantée, morne et en proie au chômage qui imagine les États-Unis comme un lieu où tous les rêves peuvent être réalisés, la patrie du blues semble plutôt similaire au pays de Schultze.
À peine débarqué sur le sol américain le voilà qui se retrouve dans une fête de la saucisse pas franchement dépaysante et lâché dans un univers peu accueillant. L'ambiance générale est comparable à ce qu'il a quitté : même atmosphère grise, mêmes lieux vides et même type de mise en scène pour les montrer. Seules différences notables : les marais qui remplacent les routes et sont propices au mouvement, la musique : du blues comme il l'avait imaginé mais malheureusement souvent joué sans joie, et les autochtones qui ne parlent pas un mot d'allemand. Il n'a plus qu'à errer sans pouvoir communiquer : la musique ne s'avère pas avoir vocation à devenir un langage universel.
En fait, la Louisiane n'est qu'en surface comme l'Allemagne. Le dépaysement vient d'ailleurs. Il lui faut creuser, voguer, devenir comme ses habitants et, dans des recoins inattendus, à la faveur d'une invitation inespérée, vient enfin se conclure son périple. Schultze aura vécu. Le style de Schorr, dont certains éléments sont directement empruntés à d'autres réalisateurs comme Iosselliani ou Tati pour le ton humoristique particulier et Kaurismaki pour les cadres loufoques et poétiques, se prend à son propre piège. Il force parfois trop et le rythme en prend un coup. Ce qui ne devait être pure contemplation cède de temps à autre sa place à une lassitude neurasthénique. Malgré tout Schultze get the blues reste une belle promenade dans un univers saugrenu et charmant.

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