Critique : Les Cinéphiles - 3 films de Louis Skorecki
Difficile de noter et de décrire Les Cinéphiles, véritable ovni signé Louis Skorecki commencé en 1988 et clos en 2006. Les Inrocks ont visé au plus juste en écrivant : « Les cinéphiles, une sitcom cadrée par Ford, dialoguée par Daney et Dorothée, un Hélène et les garçons intello, un télétubbies où l'on parle de Lang et de Biette, un Friends rongé par la mort du cinéma, un monde de garçons où les filles se demandent ce qu'elles font Un objet singulier, un manifeste de post-cinéma ».
Skorecki est critique, réalisateur à ses heures perdues et avant tout cinéphile. Il débute aux Cahiers aux côtés de Daney, il entre à Libé grâce à Daney, il finit cette année sans Daney décédé en 1991. Il est l'un des rares à s'être interrogé sur l'évolution du cinéma, sur ce qu'il est et était, à avoir une idée et à avoir su l'exposer sans y déroger au fil du temps quitte à choquer, à être détesté ou incompris. Mais comment ne pas l'être en criant au génie devant Les Power rangers !? Amusant ou provocateur, il était l'un des rares électrons libres à encore publier ses textes dans un univers somme toute assez consensuel. Il en a payé le prix : ses films sont peu diffusés, c'est à peine s'ils sortent. Une idée simple parmi d'autres : la cinéphilie n'existe plus, elle est morte en même temps que l'innocence du spectateur, à la fin de l'âge d'or hollywoodien, avec l'avènement de la télévision. Les seuls à être cinéphiles aujourd'hui ne peuvent qu'être les enfants, la pureté du regard par excellence, ces enfants qu'il fait discuter sur Rio Bravo d'Howard Hawks par exemple dans le troisième volet des Cinéphiles.
Le dialogue est important dans ses textes comme dans cette trilogie.
Improvisés, guidés ou écrits (le deuxième épisode est cosigné par
Pascale Ferrand), ils peuvent paraître simples voire naïfs mais sont
souvent justes. Cette naïveté se retrouve dans sa manière de filmer, de
longs plans séquences fixes : un retour aux vues Lumière, et peut
paraître décourageante pour certains mais là aussi elle est conforme à
ce que Skorecki veut retrouver dans le cinéma, quelque chose des
débuts, d'intact. Les Cinéphiles
est une oeuvre à voir pour quiconque aime le cinéma, même sans être
d'accord avec lui, juste pour comprendre ce qui peut motiver un
amoureux du cinéma, juste pour voir les choses différemment, juste
parce qu'il reste l'un des rares à réussir à faire ce qu'il veut et à
le faire bien malgré les contraintes.
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