Critique : Sept ans de réflexion

Julien Foussereau | 22 novembre 2006
Julien Foussereau | 22 novembre 2006

Dans la chaleur de la nuit new-yorkaise, l'air s'échappant d'une grille d'aération de métro soulève une robe pour mieux caresser de gracieuses jambes incidemment dévoilées… En l'espace de quelques minutes, Marilyn Monroe irradie la pellicule de sa sensualité naïve et fait entrer définitivement Sept ans de réflexion dans l'Histoire du cinéma… un de ces moments magiques qui vous fait prendre conscience de la puissance du 7eme art, au même titre que Rhett gravissant avec Scarlett les marches de l'escalier de Tara dans Autant en emporte le vent ou l'os devenu engin spatial dans 2001, l'odyssée de l'espace. Pourtant ces instants, que l'on mesure aux nombres de parodies ou hommages auxquels ils ont été conviés, n'ont jamais nuit à l'ensemble dont ils étaient régulièrement extraits. Il s'agit peut-être là du drame de Billy Wilder : être entré dans le panthéon du cinéma hollywoodien par le biais de ce fragment de « commande » alors que des joyaux comme Assurance sur la mort, Sunset Boulevard ou La Garçonnière sont autant de preuves étincelantes de son génie cynique.


Cinquante et un après l'événement qu'a constitué la sortie du film, les plus tatillons pourront trouver à redire sur cette comédie de l'adultère période Démon de Midi : une grosseur de trait couplée à une impression gênante en des temps aussi permissifs de tourner autour du pot. On sollicitera l'indulgence de ceux-là en rappelant combien il fut difficile pour Wilder d'adapter librement la pièce de George Axelrod lorsque le Code Hays imposait son diktat moral. Une fois cette information prise en compte, la décision de transformer la source en un film sur la tentation adultérine, véritable partie de cache-cache avec la censure grâce à des aménagements scénaristiques nécessaires, ne peut être que salué (le climat de chaleur, l'enjeu du climatiseur dans la maison de Richard Sherman, héros à la médiocrité « Wilderienne », idéalement campé par Tom Ewell.) Bien que contraignantes, ces entraves permettent au cinéaste de mettre dans la bouche de ses protagonistes des dialogues brillants et malicieux, dissimulant derrière des clins d'œil, un esprit rare.


Puis, il y a Marilyn. Dans un sens, Sept ans de réflexion est son film. En choisissant de ne pas donner de nom à son personnage, Wilder utilise l'actrice sur le point d'embrasser sa dimension iconique pour faire un des plus beaux films sur le fantasme. De sa première apparition angélique dans le couloir de l'immeuble à la dernière, accoudée à la fenêtre le regard emprunt de mélancolie, la provocation candide de son irrésistible charme envoie valdinguer le dogme étriqué du Code Hays. Mais la cantonner à une ravissante idiote serait faire erreur, Sept ans de réflexion démontre à quel point le sens du comique l'habitait. Malgré ses problèmes psycho émotionnels parasitant parfois le tournage, Wilder ne regretta jamais sa décision tant sa communion instinctive avec la caméra était unique. C'était aussi le drame de Marilyn : un rapport érotique d'une femme sublime et intelligente avec son public inévitablement présent même dans des œuvres plus matures telles que Bus Stop ou The Misfits.


Nous connaissons la suite, Sept ans de réflexion laissent place à sept années de plongées introspectives et destructrices qui s'achèvent sur sa mort mystérieuse, faisant d'elle une des figures les plus tragiques de l'histoire américaine du 20ème siècle. Comme disait Truffaut : « Le cinéma, c'est mieux que la vie » il avait on ne peut plus raison pour le cas Marilyn. Même si cela ne reste que du mensonge en 24 images par seconde, visionnons à nouveau l'illusion de son bonheur quotidien dans Sept ans de réflexion.

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