Critique : Texhnolyze

Jean-Noël Nicolau | 24 mars 2006
Jean-Noël Nicolau | 24 mars 2006

Texhnolyze est la nouvelle série conçue par l'équipe déjà à l'œuvre sur les incontournables Serial Experiments Lain et les Ailes Grises. Les familiers de ces animés cultes reconnaîtront donc immédiatement le « character design » de Yoshitoshi Abe, ainsi qu'un inimitable style de mise en scène et de narration appartenant au concepteur/producteur Yasuyuki Ueda, même si pour l'occasion le poste de réalisateur a été confié à Hiroshi Hamazaki, précédemment connu pour son travail d'animateur sur les prestigieux Metropolis, Vampire Hunter D – Bloodlust et Ninja Scroll.
Pour qui a vécu de plein fouet le choc de la découverte de Lain, l'ambiance de Texhnolyze est un bain de jouvence. On retrouve ainsi tout ce qui a pu nous séduire, que ce soit cette réalisation tortueuse ou cette atmosphère rapidement hypnotique. Ici, la métaphysique de l'internet est délaissée au profit d'une ville souterraine, Lux, post-apocalyptique et peut-être oubliée de la surface, où les différents protagonistes se croisent et s'affrontent, entièrement soumis à l'influence d'une bio-cybernétique révolutionnaire : la Texhnolyze.


Le premier épisode vous permettra immédiatement de savoir si vous êtes réceptif ou non à ce style certainement très particulier. Quasi intégralement dénuée de paroles, la présentation des principaux protagonistes ne s'effectue que par la puissance de plans extrêmement travaillés et par la force d'un montage parallèle qui déconcerte avant de faire peu à peu sens. Car, à l'image de ces membres remplacés par la technologie, l'histoire de Texhnolyze se (re)construit lentement, image par image, réplique par réplique, se précipitant parfois au rythme des rares et terriblement intenses scènes d'action. Si le rythme et le thème de départ pourront faire penser à Ghost In The Shell, le traitement est très différent de celui d'Oshii. On est en effet, comme avec Lain, plus proche de David Lynch, voire de David Cronenberg, pour la sensualité gore qui se dégage des nombreuses mutilations et greffes longuement décrites.


La série s'attarde donc plus particulièrement sur le sort d'un jeune boxeur, Ichise, soumis à une effroyable amputation et miraculeusement sauvé par une femme, « Doc », beauté froide qui ne conçoit l'érotisme que sous l'angle d'une fusion chirurgicale entre chair et métal. La première partie de la série, présentée dans ce coffret, décrit l'apprentissage laborieux, douloureux, de l'utilisation de la Texhnolyze par Ichise. En parallèle, d'autres êtres plus ou moins mystérieux participent à un étrange ballet criminel, où les gangs qui contrôlent Lux s'entraînent vers une inévitable guerre de pouvoir. On retiendra plus particulièrement le chef de l'Organo, Onishi, Yakuza lui aussi reconstitué par la Texhnolyze, l'inquiétant Yoshii, visiteur descendu de la surface pour accomplir une intrigante mission, et une petite fille quasi muette, Ran, capable de prédire l'avenir mais essentiellement d'être l'ange gardien de ceux qu'elle choisit de suivre, tout en arborant un masque de renard, qui semble lui donner la nature d'un démon peut-être trompeur…


Une fois séduit par le monde, pourtant très sombre, de Texhnolyze, on s'offre à une expérience fascinante, purement sensorielle, à la fois épidermique et contemplative et surtout follement prenante, l'intérêt étant sans cesse relancé à chaque fin d'épisode, la construction de la série s'avérant un modèle du genre. Pour preuve, le 10ème épisode, avant-dernier du coffret, qui vient conclure certaines histoires pour mieux ouvrir de nouvelles perspectives. Certes il se passe peu de choses, mais c'est une drogue plus subtile qui nous retient devant ces dessins puissamment évocateurs, fréquemment figés en des tableaux aussi barbares que poétiques, aussi désenchantés que d'une très rare force cinématographique. Car Texhnolyze ne ressemble que rarement à une série télévisée « traditionnelle », ce qui fait à la fois tout son prix et sans doute sa faiblesse aux yeux de certains spectateurs.


Outre la mise en scène et le character design, on soulignera aussi la grande qualité de la musique, composée par Hajime Mizoguchi, déjà auteur de quelques partitions mémorables pour la série Visions d'Escaflowne et surtout Jin-Roh, la brigade des loups. Si le très technoïde thème principal, écrit par Juno Reactor, peut paraître déjà un peu daté, le reste de l'ambiance sonore ne vient en rien gâcher la beauté vénéneuse de l'œuvre et soutient même souvent idéalement la mélancolie, voire le désespoir, de la ville de Lux et de ses habitants. Il faut à présent attendre le second coffret pour savoir si la conclusion de Texhnolyze s'avère à la hauteur de ses riches promesses, mais la série s'affirme déjà comme incontournable, ne serait-ce que pour son esthétique unique et le vertige irrépressible qu'elle provoque.

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