Critique : Sadamitsu, le destructeur

Jean-Noël Nicolau | 17 mars 2006
Jean-Noël Nicolau | 17 mars 2006

Nouvelle œuvre dirigée par Keichi (ou Koichi) Ohata, déjà connu pour son travail à divers niveaux sur Burst Angel, Blue Gender et certains dérivés des tentaculaires séries Gundam et Gunbuster, Sadamitsu le destructeur ne semble pas bien palpitant de prime abord. En particulier lorsque l'on est néophyte en matière d'animation japonaise, et que l'idée de voir un superhéros combattre des monstres pittoresques évoque davantage des relents de Dragon Ball que des réussites telles que Silent Möbius ou Blue Seed. Ce serait pourtant fort dommage de passer à côté de cette courte série (à peine 10 épisodes, le dernier étant composé pour moitié d'un résumé des événements précédents) qui, outre un visuel de haute tenue (par le Studio Deen déjà à l'œuvre sur des incontournables tels que Kenshin le vagabond ou You're under arrest), propose un univers très attachant.


Dès le générique d'ouverture, on comprend la portée référentielle de l'œuvre. Un thème musical, emprunté presque note pour note à Ennio Morricone, nous place dans une atmosphère héroïque à mi-chemin entre le western et Kill Bill. L'imagerie et l'ambiance n'ont alors rien de bien original, la présentation des protagonistes obéissant aux clichés du genre. Sadamitsu et sa bande de potes « Les croque-morts », des enfants de chœur défendant, on s'en doute, la veuve et l'orphelin, flirtent d'ailleurs par instant avec la parodie ; et le langage cru n'est pas sans rappeler Samouraï Champloo (Sadamitsu étant par ailleurs antérieur à la série à succès de Shinichiro Watanabe). On sent les auteurs prêts à verser dans le burlesque pur, mais dès la conclusion du premier épisode et la « naissance » du personnage éponyme, un surprenant et assez subtil équilibre se crée. L'argument de base étant pour le moins fort basique : notre « Destructeur » doit renvoyer dans l'espace d'où ils n'auraient jamais dû sortir, quelque un million deux cent cinquante-deux mille cinq cent trois monstres repris de justice, atterris sur Terre on ne sait comment, mais il va bien falloir s'en débarrasser.


Les 5 épisodes suivants sont alors très jouissifs, en faisant intervenir un nouveau comparse haut en couleur (la « moto alien », Kulon, toujours prompte à interpeller le héros par des « aniki !! » tonitruants) et surtout un mystérieux « Vautour » dont les intentions mystérieuses et les liens avec Sadamitsu forment le cœur de la série. Mais ce qui captive le plus, ou du moins divertit sans trêve, c'est l'arrivée continue de nouveaux monstres (les « Ryukeitai », criminels spatiaux et très spéciaux) et la manière dont Sadamitsu va triompher de leurs vices et pouvoirs toujours plus inattendus. En ce sens, le sommet de l'œuvre se situerait au niveau de l'épisode 4, où le « superhéros » irascible et maladroit fait face à deux aliens lubriques, amateurs de parfums de collégiennes et de sous-vêtements en dentelle. On se retrouve ici plus du côté de Lamu que du dépressif Blue Gender. Mais le charisme de Sadamitsu, la menace du Vautour, la nervosité de la mise en scène et l'excellente bande-son élèvent la série au-delà de la trivialité qui la guette.


Si on se dit que le concept pourrait vite tourner en rond et l'enchaînement des combats devenir très lassant, la série ne nous permet même pas de nous installer dans une routine plaisante et emballe son final lors de quatre derniers épisodes spectaculaires mais très expéditifs. Le scénario se précipite alors en évinçant à toute vitesse le mystère du Vautour et la belle relation entre Sadamitsu et sa camarade de classe Kamishiro. L'entrée en jeu d'une poignée de « supervilains » fait un peu figure de rustine susceptible d'assurer un dernier round apocalyptique comme le genre l'affectionne tant. D'où une impression de déjà-vu qui gâche la conclusion de l'histoire en laissant un goût d'inachevé. L'aspect fun de la première moitié de la série s'efface totalement au profit de belles scènes dramatiques malheureusement bien prévisibles et définitivement plus banales que le style précédemment adopté.


Néanmoins, Sadamitsu demeure une œuvre distrayante, dont la liberté de ton, aussi bien dans la verve de ses protagonistes que dans le dynamisme de son esthétique, ravira les fans de GTO et de Samouraï Champloo. Pour l'amateur occasionnel, les extravagances de ce « loubard devenu justicier » proposent suffisamment de scènes d'action destructrices, de poses héroïques et de gags percutants pour assurer la qualité de ce divertissement très recommandable.

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