Batman & Robin : critique des tétons de l'enfer

Ilan Ferry | 11 mars 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Ilan Ferry | 11 mars 2011 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Hommage au réalisateur Joel Schumacher, décédé à 80 ans.

Il est des signes qui ne trompent pas : des gros plans sur des fesses toutes de cuir vêtues et un torse arborant fièrement le logo d'une célèbre chauve souris. Pas de doute, il s'agit bien d'un Batman réalisé par Joel Schumacher, de retour après Batman Forever avec cette fois-ci George Clooney, entouré d' Arnold Schwarzenegger, Uma Thurman, Chris O'Donnell et Alicia Silverstone.

TOYS FOREVER

Après Batman Forever, une version controversée mais sympathique des aventures du chevalier noir, le réalisateur au goût prononcé pour les couleurs flashy récidive avec un Batman & Robin plus proche de Spy Kids que du film de super héros classique. Batman Forever s'adressait clairement à un public adolescent : c'était une volonté claire du studio, après un Batman, le défi problématique pour le merchandising, à tel point qu'un troisième épisode a été oublié pour cette raison selon Tim Burton. Mais Batman et Robin va encore plus loin et se définit comme un film « pour toute la famille ». Comprenez : pour gosses qui pourront ensuite rêve des jouets Batman et harceler leurs parents. Quitte à perdre une bonne partie des fans au nom du merchandising roi.

Autant Batman Forever semblait animé de bonnes intentions, autant ce Batman et Robin est douteux dans le fond comme dans la forme. Exacerbant l'esthétique « bubble gum » déjà présente dans Forever, le réalisateur noie, jusqu'à saturation, ses acteurs et ses décors dans un déluge de couleurs et de mauvais goût (mention spéciale à la Batmobile qui ne dépareillerait pas devant une boite de nuit de Dubaï). Schumacher peut revendiquer une certaine cohérence dans sa direction artistique, mais au service d'un bien funeste projet.

 

PhotoHey les gars, vous pensez quoi de mon costume ?

 

RETOUR VERS LE FUTUR

Au bout de quinze minutes, tout devient limpide : Schumacher n'a pas voulu faire une suite à son Batman Forever, mais bien une adaptation cinématographique de la célèbre série des années 60 avec Adam West. Tous les ingrédients (ou presque) sont là, de l'ambiance kitsch aux méchants caricaturaux à souhait - on en vient presque à regretter l'absence d'onomatopées durant les scènes de bagarre. En chemin, Schumacher semble cependant avoir oublié un atout essentiel : le charme.

Le Batman télévisé des sixties demeurait très subversif dans son approche décalée des aventures du duo dynamique (la relation Batman/Robin et son message crypto gay plus ou moins évident). Force est de constater que Batman et Robin échoue à retrouver ce même esprit iconoclaste. Ainsi au « Nom d'un bat boomerang ! » lancé par le Robin surexcité version sixties, succèdent ici des dialogues neuneus prompts à faire rire les plus jeunes (« Où est l'homme des glaces »?- « Peut être qu'il a fondu », - « Non, il hiberne »).

 

photo, Chris O'Donnell, George ClooneyUrne funéraire de l'ère Batman Schumacher


Dans ce festival de couleurs criardes et de bruitages piqués aux cartoons de la Warner (au hasard, la scène du musée), les acteurs font ce qu'ils peuvent. À commencer par l'interprète de Batman, George Clooney, ici d'une rare inexpressivité. Mal à l'aise en Batman mais aussi Bruce Wayne, il semble se demander ce qu'il fait là, et ce rôle a depuis servi ce traumatisme pour lui.

Il est accompagné dans sa « prestation » par un Chris O'Donnell aux fraises et encore moins impliqué que sur le volet précédent. La palme du rôle le plus inutile revient cependant à Batgirl (Alicia Silverstone), à peine exploitée dans la dernière demi-heure du film. Son alter ego Barbara, nièce d'Alfred (et fille du commissaire Gordon dans le comics, cherchez l'erreur), est ici reléguée au rang de poupée Barbie, fausse rebelle et vrai tête à claques.

 

photo, Vivica A. Fox, Arnold SchwarzeneggerMister Freeze goût bleu

 

VERY BAD GUYS

Si dans Batman Forever, le fade duo de héros était compensé par l'incroyable abatage des deux bad guys, ce n'est pas du tout le cas de Batman et Robin. Ici, les ennemis de Batman n'essayent même pas de se démarquer. Arnold Schwarzenegger dans le rôle de Mr Freeze a bien compris qu'il était dans une comédie et joue en conséquence, tout en essayant tant bien que mal de donner un minimum de profondeur à son personnage. Quant à la pauvre Uma Thurman, elle n'a que son charme à offrir au personnage de la vénéneuse Poison Ivy, à défaut d'un jeu intéressant.

Enfin, cerise sur le gâteau : Bane, croisement entre un catcheur mexicain et le monstre de Frankenstein, ennemi coriace du Dark Knight dans la bande dessinée, qui devient ici une espèce de gros lourdaud dont les muscles ne compensent même pas l'étroitesse du cerveau.

 

photoNacho Libre

 

Amusant par moments, insupportable la plupart du temps, Batman et Robin est un OFNI (objet filmique non identifié), une chose bizarre à prendre au dixième degré sous peine de pleurer de consternation au bout de dix minutes. Pied de nez à la Warner qui ne s'attendait sûrement pas à voir un film aussi étrange détruire sa très rentable licence, ou véritable nanar obéissant aux dures lois du mercantilisme : le débat est ouvert. Mais une chose est sûre : avec ce film, Schumacher a enterré le mythe de Batman pour des années, et marqué les esprits pour très, très longtemps.

 

Affiche

Résumé

Insupportable mais amusant, incroyable mais douloureux, unique mais insensé, Batman & Robin est un film devenu tristement culte, et qui symbolise toutes les pires dérives du cinéma hollywoodien conçu uniquement pour vendre des jouets.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(1.3)

Votre note ?

commentaires
Flo
26/02/2020 à 14:46

Même pas la peine d’en parler, cet épisode n’existe pas vu que c’est un terrible repompage de scénar du 3ème.
Est ce la faute à Schumi et Clooney, qui n’ont pas voulu se battre pour le film ?
À Akiva Goldsman (pourtant bien meilleur pour sa collaboration avec "Fringe") ?
Certainement aux producteurs qui ont pété les plombs et ce sont pris pour Jon Peters. On passe la main.

Arnaud
12/03/2018 à 11:40

"on en vient presque à regretter l'absence d'onomatopées durant les scènes de bagarre"

Mine de rien, si ils avaient mis ca je pense que le film aurait un tout autre sens et impact dans la memoire collective
Manheureusement au final, reste un film d'une nullité incommensurable a tous les niveaux

Bubu
11/03/2018 à 19:42

Batman et Robin est devenue un film.culte c est vrai que le film.est un nanar jouissif

Flash
11/03/2018 à 18:59

J'ai jamais été au bout de ce film, aucun regret.

Adri
11/03/2018 à 18:40

Étrangement, je l’ai toujours bien aimé ce film, comme quoi de fois il y a des choses qui ne s’explique pas.

votre commentaire