Critique : Cendrillon

Erwan Desbois | 20 octobre 2005
Erwan Desbois | 20 octobre 2005

Même s'il n'a ni la loufoquerie géniale d'Alice au pays des merveilles et d'Aladdin ni le souffle épique de La Belle au bois dormant, Cendrillon fait partie de ces classiques Disney intemporels et au charme toujours intact. La pantoufle de verre, la bonne fée marraine de Cendrillon, le chat Lucifer, la citrouille transformée en carrosse (et vice-versa) font maintenant partie de la culture de tout un chacun, et c'est avec un plaisir non feint qu'on les retrouve à chaque revisionnage.


Avec Blanche-Neige et la Belle au bois dormant, Cendrillon fait partie du trio romanesque magique du premier âge d'or de Walt Disney. Elle partage avec ses deux « sœurs » les mêmes qualités et défauts, à savoir une intrigue sentimentale globalement insipide magistralement compensée par l'atout maître des studios Disney, qui ne s'est jamais démenti au fil des années – un savoir-faire incomparable pour la création des personnages secondaires. Qu'il s'agisse d'un chat, de souris ou d'émissaires du prince, ce sont eux qui, par leur caractère et leur drôlerie, mènent la danse alors même qu'ils ne sont qu'accessoires à la progression du récit. Leur prise de pouvoir est facilitée par la quasi-absence du prince, qui devrait en théorie être l'égal de Cendrillon mais qui dans la pratique se voit relégué à l'arrière-plan, simple silhouette privée de nom, d'exposition et réduite au strict minimum en termes de dialogues.


La place est dès lors libre pour la débrouillardise et la fraîcheur des deux souris Jac et Gus et de leur bande, la perfidie du chat Lucifer, la douce folie de la fée ou encore l'incompétence des envoyés du prince chargés de retrouver Cendrillon. Grâce à eux tous, la mièvre histoire de prince charmant se transforme en une inattendue et jouissive succession de saynètes. Tour à tour drôles (la bonhomie du roi) et émouvantes (la confection de la robe de bal par les souris et les oiseaux), ingénieuses (l'apparition de la fée) et de mauvais goût (les deux demi-sœurs de Cendrillon, tellement repoussantes et stupides que l'on se fait une joie de les détester), ces séquences sont un pur enchantement – qui ne connaît pas d'heure limite.


L'entière liberté dans la conduite du récit qui découle de cette construction permet à Disney de jongler à loisir avec les genres (se permettant même un détour vers du suspense à la Hitchcock), et de magnifier les émotions jusqu'à l'extrême – l'exemple le plus marquant étant la scène où les demi-sœurs de Cendrillon déchirent la robe de cette dernière, dans un montage violent de très gros plans sur un fond rouge vif tendant vers l'abstraction. L'identification du spectateur envers Cendrillon et ses alliés à quatre pattes n'en est dès lors que plus forte, ce qui participe grandement à la magie du film – et à son aura constante depuis plus d'un demi-siècle maintenant.

Résumé

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