Critique : Buddha's Palm

Erwan Desbois | 12 octobre 2005
Erwan Desbois | 12 octobre 2005

Les relations entre le cinéma de Hong Kong et les effets spéciaux optiques ont toujours été conflictuelles, en grande partie car l'utilisation de ces derniers ne s'appuie sur aucune base solide dans la culture locale et a été importée d'Hollywood dans le seul but de suivre la mode. La qualité des œuvres qui intègrent ce genre d'effets dépend dès lors grandement de la capacité du réalisateur à se les approprier sans y sacrifier son style. Si les grands noms y parviennent – Tsui Hark pour Zu, les guerriers de la montagne magique, Stephen Chow avec Shaolin soccer –, le résultat peut vite sombrer dans le navrant, drôle (Super inframan) ou pas (Stormriders). Buddha's palm se trouve à mi-chemin entre ces deux extrêmes, et est une démonstration du mal que peut faire l'abus d'effets spéciaux à un film qui n'en avait pas fondamentalement besoin.


Datant de 1982, Buddha's palm est un pur film de producteur opportuniste, qui applique une à une les astuces du « Guide du producteur opportuniste ». La première étape, primordiale, est le choix des collaborateurs : un réalisateur transparent (Taylor Wong, illustre inconnu) aux commandes d'un casting plus glamour que talentueux (au sein duquel seul l'acteur Derek Yee parvint à dépasser son statut de belle gueule en se lançant dans une convaincante carrière de metteur en scène). Le problème du scénario est évacué par la décision de réaliser le remake d'un film culte (le Buddha's palm originel fut un grand succès dans les années soixante au cours desquelles il engendra plusieurs suites), ce qui permet de concentrer ses efforts sur le recyclage à la mode HK des derniers succès d'Hollywood au box-office. Soit, en 1982, La guerre des étoiles dopée aux effets spéciaux à tout-va, et Les Aventuriers de l'arche perdue et ses aventures exotiques menées à un rythme échevelé, à base de traîtrises entre personnages et de trésors piégés.


Dans les deux cas, George Lucas est battu à plates coutures en termes de quantité ; mais une telle abondance de biens finit par nuire à la bonne marche du récit. Ce dernier est en effet fortement alourdi par la présence de pas moins de onze personnages principaux représentant cinq écoles, dont les alliances et inimitiés évoluent d'une scène à l'autre. Amusant au départ, ce dispositif devient vite lassant. Le film ne prend à aucun moment le temps d'approfondir les liens entre les personnages et préfère au contraire en rajouter continuellement de nouveaux, ce qui le rend presque impossible à suivre de bout en bout. Une réplique résume à merveille la situation : « C'est elle, c'est toi, c'est ma sœur, j'y comprends rien ! ». Plus grave, les quelques idées originales (les techniques de kung-fu à base de musique, la présence d'un narrateur qui commente l'action avec humour et détachement) ne sont pas exploitées à leur juste valeur, et nourrissent comme le reste le trou noir vorace qu'est le scénario de Buddha's palm.


Scénario dont l'objectif numéro un semble être d'arriver le plus vite possible à la scène d'action suivante – un refrain devenu récurrent dans le cinéma d'action moderne. Transformées en spectacles pyrotechniques saturés de champs de force et de boules d'énergie (et même un ersatz de sabre-laser !), ces scènes rompent tout lien avec les deux bases du cinéma de kung-fu : l'apprentissage (ici, les élèves s'approprient les nouvelles techniques instantanément) et le contact physique entre les adversaires lors des combats.


La dernière séquence, qui représente habituellement le bouquet final de ce genre de film, est dans le cas présent emblématique des lacunes de Buddha's palm : le surplus de personnages et leur éloignement dans l'espace rendent l'affrontement terriblement statique et sans grand intérêt. Ce dernier jugement s'applique au film dans son ensemble, qui constitue un divertissement sympathique (l'humour décalé de certains personnages et situations fait mouche à plus d'une reprise, tandis que les rares combats exempts d'effets spéciaux s'avèrent très réussis et réellement impressionnants) mais qui reste très loin du niveau de classiques comme Zu pour l'utilisation intelligente et féerique des effets spéciaux ou La guerre des clans pour le scénario à tiroirs complètement fou et endiablé.

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