Critique : Gojoe

Patrick Antona | 24 août 2005
Patrick Antona | 24 août 2005

Premier véritable film à grand budget de Sogo Ishii, Gojoe se présente comme une espèce de croisement hallucinant entre l'univers du « chambara », du film de fantômes, le tout assaisonné d'une bonne dose de violence viscérale. Ceux qui connaissent des oeuvres telles que Burst city ou Electric dragon 80.000 V ne retrouveront pas le style hystérique qui caractérisait ces deux essais de Sogo Ishii. Ici, le réalisateur privilégie un peu plus l'ambiance (à l'image du Labyrinthe des rêves, son seul opus distribué en France) et la direction artistique, parfois un peu au détriment de l'action, mais toujours avec force violence et jets de sang.


Construisant son intrigue sur l'affrontement martial et surnaturel entre le moine Benkei et le « démon » Shanao, le cinéaste japonais réussit à insuffler un mysticisme oriental bienvenu qui donne à son film toute son ampleur, grandement aidé il est vrai par ses acteurs principaux. Tadanobu Asano (le vrai/faux démon Shanao) et Daisuke Ryu dans celui du moine amateur de la manière forte, font effectivement preuve d'une présence et d'un charisme qui sont pour beaucoup dans l'intérêt que l'on porte à Gojoe.


Visuellement, le film flirte assez souvent avec le sublime, la photographie est soignée, les décors naturels (forêts, cascades) renvoient à toute une iconographie japonaise richement restituée, et Sogo Ishii use avec habileté de mouvements de caméra travaillés ou d'angles de prises de vue plutôt inventifs surtout dans le combat final sur le pont. Mais malheureusement, son choix au niveau de la direction des scènes de combat est plus discutable. Privilégiant les close-up au niveau des duels ou de longs travellings lors de scènes de batailles rangées, l'action en est réduite à devenir une espèce de video-clip, quasi-hypnotique, rendant la compréhension plutôt ardue, surtout pour ceux qui aiment les affrontements clairs et gracieux des Zatoichi et autres Baby cart. Si cela renforce le côté surréaliste du film et peut être impressionnant parfois (on n'a jamais « entendu » des jets de sang aussi fort dans un film !), la répétition peut se révèler un tant soit peu gonflante sur la longueur. Heureusement que sur le final, Sogo Ishii revient à une style plus « classique » qui permet de donner à Gojoe toute sa mesure mythique, car la lutte entre Shanao et Benkei se passe autant sur un plan émotionnel que physique.


Il est à noter que la version proposée est la version internationale de 102 minutes. Il existe une version de 138 minutes, diffusée à l'Etrange Festival en 2001, qui permettait de comprendre un peu mieux les implications historiques du film (l'histoire se passant au 12° siècle) et quelques interactions dramatiques entre les divers personnages. Il en reste pas moins que cette édition courte de Gojoe demeure une oeuvre hautement recommandable pour tout amateur de films de sabre et d'action voulant s'ouvrir à un style un peu « autre ».

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