Critique : Les 8 Diagrammes de Wu-Lang

Patrick Antona | 18 juillet 2005
Patrick Antona | 18 juillet 2005

Parmi les derniers grands films produits par la Shaw Brothers, avant la femeture des célèbres studios de Clearwater Bay, Les 8 diagrammes de Wu-Lang ( 8 Diagrams Pole Fighter en anglais) est celui qui possède une des auras les plus particulières. Film à la maturation difficle d'abord, du fait de la tragédie d'un des interprètes principaux, Alexandre Fu Sheng, qui fut victime d'un accident de la route alors que le tournage avait débuté. D'aucuns diront que c'est le fait d'avoir acheté la maison de Bruce Lee qui lui fût en un sens fatal (il décèdera le 7 juillet 1983, soit près de 10 ans après le petit Dragon !)... Liu Chia-Liang dût alors complètement remanier son scénario, mettant plus en avant le rôle tenu par son frère adoptif, Gordon Liu, ainsi que celui de sa petite amie de l'époque (cf. documentaire ), la délicieuse Kara Hui. Film invisible aussi, car échec sans appel au box-office à l'époque de sa sortie (Les arts martiaux de Shaolin et Les Disciples de la 36° chambre auront les grâces du public), il ne fut jamais distribué en France.


Savant mélange entre le wu xia piang à la Chang Cheh, avec sa scène d'introduction martiale et sanglante (presque bis !), et le film de monastère, propre au cycle de Shaolin où a excellé le binôme Liu Chia-Lang/Gordon Liu, Les 8 diagrammes de Wu-Lang est vraiment un monument du film d'arts martiaux. Si on peut rester perplexe devant la bataille ouvrant le film, où nous assistons à la quasi-extermination des membres masculins (et du casting !) de la famille Yang, vedette de l'autre grande production mythique de la Shaw Brothers, Les 14 amazones, avec son côté « exploitation » un peu trop poussé (agonies à rallonge, corps empalés par des flèches, frères se sacrifiant en vain), le tout filmé devant une toile peinte du plus mauvais effet, rappelant avec inquiétude les médiocres Chang Cheh des années 80, la suite ne fera que contredire cette faute de goût initiale et nous proposera une succession de démonstrations d'arts martiaux des plus jouissives.


De cette embuscade fatale à la famille Yang, seul le 5° Fils (Alexander Fu Sheng) et le 6°, Wu-Lang (Gordon Liu) en réchapperont. Si le premier, complètement dérangé et paranoïaque, réussit à rentrer au sein de sa famille, protégée par ses éléments féminins, la mère, reine des amazones (Lily Li) et ses deux filles Ba-mei (Kara Hui) et Chiu-mei (Yeung Ching Ching), le second choisit la voie de l'exil et du renoncement. Après une première rencontre avec un chasseur, interprété par Liu Chia Lang, qui n'hésitera pas à se sacrifier pour couvrir sa fuite, non sans avoir fait une démonstration de combat de un contre cent, Wu-Lang atterrit au monastère de Wu-Tai (celui de Shaolin étant sûrement occupé !). S'en suivra alors une série de péripéties où alternent scènes martiales (dont les étonnants entraînements contre les mâchoires de loups !) et enseignement bouddhique, dispensé par Philipp Ko, impressionnant en révérend n'hésitant pas à s'opposer à Wu-Lang au tempérament par trop belliqueux. C'est d'ailleurs avec lui que Gordon Liu aura une des scènes de confrontation les plus importantes du film, celle où le disciple fera la leçon à son maître, lui exposant sa technique imparable des 8 diagrammes. Si le personnage de Fu Sheng, au demeurant très intéressant, se retrouve alors relégué au 3° plan, avant de quasi disparaître (triste reflet de la réalité), ce sont les personnages féminins qui bénéficient d'un relief plus conséquent, fait assez inhabituel dans la filmographie de Liu Chia Liang.


Et le film de nous offrir un ultime rebondissement avec le sauvetage que Wu-Lang devra effectuer pour extirper sa soeur Ba-mei des griffes du général félon Pan Mei. Si originalement était prévue l'association Fu Sheng/Gordon Liu pour la bataille finale, la toute jeune (à l'époque) Kara Hui ne démérite absolument pas, nous offrant une prestation digne des lady du kung-fu des années 70 (Angela Mao, Xu Feng), aidée il est vrai par quelques câbles. L'affrontement final qui verra la revanche des rejetons Yang sur les traîtres, aidés par les moines de Wu-Tai, est à ce point emblématique de la technique de Liu Chia Lang qu'il peut apparaître désormais comme un sommet inégalé.


Usant avec maestria de ses fameux plans-séquences où les acteurs enchaînent plus d'une dizaine de mouvements et de cascades, sans coupe, en alternant plans larges et resserrement de l'action pour isoler les duels les plus significatifs, le maître des arts martiaux n'hésite pas non plus à utiliser le suspens, en accumulant chausses-trappes ou quand Gordon Liu se trouve obligé de combattre avec Kara Hui attachée sur son dos ! Et avec toujours cette pointe inaltérable de bis lorsque les moines feront usage de leur technique du bâton pour mutiler leurs adversaires de manière inédite ! Rien que pour ce final dantesque, Les 8 diagrammes de Wu-Lang est digne des grands volets de la saga martiale de la Shaw Brothers.

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