Critique : Dead like me

Stéphane Argentin | 24 juin 2005
Stéphane Argentin | 24 juin 2005

Considérée par certains comme un « dérivé pour adolescents » de Six feet under, notamment par la présence d'une héroïne beaucoup plus jeune et d'un humour (noir) beaucoup plus présent, Dead like me n'en reste pas moins l'une des séries les plus réussies de ces dernières années.


Sujet à la fois délicat, effrayant, rebutant, voire tabou pour certains, la mort ne peut finalement être traitée que de deux façons à l'écran : par une noirceur et une dramaturgie profonde (Six feet under) ou bien parsemée de petites pointes d'humour, forcément un peu noir (la dernière solution consistant à pratiquer la comédie pure comme pour Beetlejuice ou La famille Adams). En pratiquant ce second choix à dose homéopathique, Bryan Fuller confère ainsi à sa série Dead like me une portée sans doute plus « digeste » et moins « étouffante » que celle imaginée par Alan Ball (l'humour est certes présent dans Six feet under mais en quantité nettement plus faible). Toutes les deux ont néanmoins un but en commun, à priori antinomique de l'univers traité : réussir à communiquer sur la joie de vivre au travers d'individus côtoyant la mort au quotidien et non uniquement sur le simple travail de deuil comme par exemple l'excellent film de Nanni Moretti, La chambre du fils.


Dead like me démarre fort, très fort, trop fort même diront certains. Mais qu'ils ne se fient pas pour autant au pitch de départ, finalement un peu grotesque, sur les raisons du décès de l'héroïne (honnêtement, quelles sont les probabilités de se prendre la cuvette des chiottes d'une station spatiale sur le coin de la gueule alors que vous vous promenez peinard en pleine rue pendant votre pause déjeuner ?). Car sitôt cet évènement survenu, la série embraye aussi sec sur son délicat numéro d'équilibriste entre humour et dramaturgie lors du monologue de l'héroïne qui cherche tout d'abord à « négocier » son retour à la vie avant de se rendre compte du peu qu'elle a su en profiter au cours de ces 18 années passées. Une discussion à l'image de la série qui donne clairement le ton sur l'angle d'approche que l'on retrouvera tout au long des épisodes suivants.


Du haut de ses 22 ans au moment du tournage de cette première saison, Ellen Murth est tout simplement épatante dans le rôle de la jeune faucheuse d'âmes avec son air de Droopy blasé du quotidien. Sans pour autant reposer sur ses seules épaules, la série doit assurément beaucoup à la performance de l'actrice qui sied parfaitement au double parti pris tragicomique. Réunissant un casting à l'unisson de la demoiselle, chaque personnage a également droit à sa part, aussi bien du côté des vivants avec la famille de George dont la disparition va précipiter l'éclatement, que des « entre-deux » comme on les appelle avec le cercle de faucheurs qui se réunit chaque matin dans un café pour y recevoir le post-it leur indiquant leur futur victime.


Un vulgaire bout de papier en guise d'indications une fois encore représentatif de la simplicité, la pureté et la sincérité des sentiments dont fait preuve Dead like me, mais certainement pas à l'image de la mise en scène, aussi travaillée et complexe que le jeu des acteurs. Construite à l'aide de longs plans séquences qui suivent les personnages (une difficulté déjà présente dans les excellentes séries Urgences et À la maison blanche), la réalisation s'offre le luxe, à l'aide d'un montage millimétré, de passer d'un lieu à un autre sans la moindre coupe, voire d'accroître ou décroître au besoin la vitesse de défilement au sein d'un même plan (un procédé connu sous le nom de « speed ramping »). Peu fréquent dans une production télévisée, ce choix pourra surprendre au début mais convient parfaitement au caractère comique des différentes causes de décès (mieux vaut d'ailleurs à ce sujet ne pas les prendre trop au sérieux sous peine de ne plus oser bouger le petit doigt de peur de se prendre un quelconque ustensile fatal en travers de la figure).


Ce choix de mise en scène sert également un autre but : il confère à la série une inertie permettant en effet d'extirper le spectateur de la tristesse des scènes les plus mélancoliques pour mieux repartir ainsi sur une nouvelle tranche de vie… ou de mort, les deux étant finalement liés. Et si la seconde est inéluctable et indéterminée (comme le souligne ce magnifique final de l'épisode pilote où George refuse de chausser l'âme d'une fillette de 8 ans), il n'est en revanche pas interdit d'influer sur la première. C'est précisément sur cette magnifique dualité que repose entièrement Dead like me : savoir transcender et accepter la mort pour mieux profiter du quotidien de son vivant. Une sorte de « carpe diem » dans la lignée du Cercle des poètes disparus pour une série bien plus vivante que morte.

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