Critique : Head-on

La Rédaction | 25 février 2005
La Rédaction | 25 février 2005

Ours d'Or à Berlin en 2004, Head-On brasse une multitude de thèmes mais garde en ligne de mire son sujet principal, récurrent dans le cinéma social contemporain : une histoire d'amour contrariée. La jeunesse et la fougue manifestes du réalisateur Fathi Akin sont à la fois un moteur et une limite dans cette œuvre qui tient autant du cinéma politique des années 70 que de la chronique intimiste à la Cassavetes mais sans le détachement pudique de ce dernier. Caméra à l'épaule, le cinéaste cadre dans un premier temps ses personnages fracassés avec une énergie réelle, mais aussi avec les poncifs inhérents au genre dont il ne parvient pas toujours à s'affranchir. Ainsi la musique, élément dynamiteur est bien trop présente et s'accommode mal des enjeux principaux de l'intrigue censés reposer sur la simplicité de la rencontre amoureuse. Sauf qu'ici tout est compliqué en raison de personnages fiévreux, heurtés par la vie, qui s'y accrochent et se démolissent moralement et physiquement puis renaissent de leurs cendres. Il y a là-dedans un soupçon de Bukowski, beaucoup de punk, du moins dans l'attitude, tel qu'un dialogue le souligne, une chaleur communicative, et surtout une interrogation sur la jeune génération turque en Allemagne, où elle compte sa plus forte communauté en Europe occidentale.


Tel qu'il est présenté, Head-On est brut de décoffrage, et révèle des comédiens à fleur de peau, sur le fil du rasoir, pouvant sombrer d'un instant à l'autre et tenants sur l'équilibre fragile de la reconnaissance mutuelle. Sibel et Cahit s'amourachent mais ne consomment quasiment jamais leur union sauf dans une scène d'enlacement écourtée. Lui sauvé dès les prémices de l'intrigue alors qu'il tentait de se tuer en voiture, soliloque pendant les cinq premières minutes accoudé au bar d'un café. Il y a dans cet anti-héros au cheveu hirsute et à la barbe d'une semaine quelque chose du Barfly de Barbet Schroeder. Quelque chose de triste et de très humain. Mickey Rourke n'est pas loin mais lui avait en plus du génie dans l'interprétation de la déboire, ce que Birol Unel ne possède pas.


Au niveau de la mise en scène, avec sa caméra, Akin montre une certaine agilité mais aussi de la redondance. Les champ contre champ pullulent et d'abord exaltante, sa forme rock'n'roll s'essouffle et n'étonne plus. Ce qui en fait la valeur c'est ce qu'elle arrive à exprimer avec justesse : la tradition turque et ses contradictions avec la vie moderne, la célébration de la vie, le romantisme exacerbé des personnages. D'abord cloisonnés par l'univers familial, les deux héros parviennent à leur indépendance tout en n'oubliant pas d'où ils viennent et où ils vont. Le retour aux sources donne de beaux moments, mais les longueurs restent trop pesantes et hachent la narration qui perd en fluidité ce qu'elle gagne en observation. L'on sent qu'il manque quelque chose pour que la mayonnaise prenne et ce malgré les fulgurances. Et surtout finir avec un dernier plan d'une telle banalité après deux heures de larmes, de furie, de sanglots et de colère rend le film bancal avec le recul.


En définitive les plus belles scènes sont celles durant lesquelles la caméra se pose sur eux et non lorsqu'elle filme les instants de transe, de perte ou de vertige. Mais le film n'en est pas mauvais pour autant. Sa sincérité est en cela indiscutable. Reste que pour un si beau sujet, le film déçoit à moitié.

Michel Strachinescu

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