Critique : Wonderful days

Stéphane Argentin | 1 février 2005
Stéphane Argentin | 1 février 2005

En matière d'animation, deux écoles continuent de s'affronter : les « traditionalistes », adeptes de la bonne vieille 2D (Miyazaki) et les « progressistes », élevés à la 3D depuis leur naissance (Pixar). Et puis, il y a ceux qui se risquent au mélange des deux, comme se fut le cas de Titan A.E. et comme c'est à nouveau le cas aujourd'hui avec Wonderful days ; long-métrage d'animation en provenance… de Corée, contrairement à ce qu'aurait pu laisser supposer les premières images très « manga » de ce film. Des images qui, dès le début, situent le niveau d'excellence visuelle auquel se positionne ce premier long-métrage d'animation de Kim Moon-Saeng, considéré dans son pays comme l'un des plus talentueux réalisateurs de films publicitaires.


Ce talent se retrouve dans chaque image de Wonderful days qui mêle néo-futurisme et classicisme (vitraux, toiles de maîtres, fêtes populaires…) avec une richesse, une précision, une harmonie des couleurs et une impression de volume et d'espace qui forcent l'admiration et réduisent d'autant la frontière entre réel et virtuel. En revanche, l'animation de personnages en 2D traditionnelle au milieu de pareil réalisme environnemental pourra de nouveau choquer.

Derrière l'émerveillement, reste à savoir où va bien pouvoir nous mener cette Arche de Noé à l'allusion biblique plus qu'évidente. C'est précisément là, passée la première demi-heure de présentation des enjeux et du contexte, que la belle mécanique rutilante introductive s'emballe et se grippe de plus en plus à mesure que progresse l'intrigue. Ou plus exactement les intrigues. Alors que le matériau de départ offrait des possibilités d'extensions thématiques au moins aussi riches que le traitement visuel (pollution, citée Metropolis du nom d'Ecoban avec ses deux « castes », personnages liés depuis l'enfance, idéaux d'un monde meilleur…), toutes ces alternatives s'entrecroisent sans jamais vraiment donner l'impression d'être liées les unes aux autres.


Il faut dire aussi, à la décharge de tout cet imbroglio, que le script de départ signé Park Jun-Yong, jugé visiblement trop dense, fut remanié (simplifié ?) par le réalisateur lui-même. Pas étonnant après cela que les différentes scènes s'enchaînent dans l'hétérogénéité et la confusion la plus totale sous le regard certes ébahi mais néanmoins désorienté voire lassé du spectateur. Car, pour qui possède déjà quelques antécédents référentiels, le défi technique tournera vite au trompe l'œil : citée pluvieuse à la Blade Runner où la pollution masque le ciel, immense salle souterraine dessinée par Giger, chute dans une lave en fusion à la Alien 3, poursuite finale dans les mailles de l'Étoile Noire, combat dans 50cm d'eau à la Ghost in the shell sans oublier ces nombreuses virées musicales à fond les manettes à bord de motos sorties de Tron. Publicitaire reconnu, Moon-Saeng rassemble visiblement toutes les références visuelles qui lui tiennent à cœur tout en recherchant la sacralisation de chacune à tout pris (le final outrancièrement ralenti et musical) mais sans pour autant prendre le temps de les exploiter, ni même de les lier. Si la compilation hommage n'est pas un mal en soit, l'absence d'approfondissement et de cohésion l'est davantage.


Au terme des 90 minutes de Wonderful days, on a donc le sentiment d'avoir admiré les portions enchanteresses d'un magnifique vitrail qui vole en éclats dès que l'on tente de les réunir ou de les examiner de plus près.

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